Professeure
de théologie
protestante en Suisse,
Lytta Basset est considérée
comme l’une des grandes figures
de la pensée chrétienne
contemporaine
extrait d'une
intervew
parue
dans
Nouvelles Clés
magazine de développement
personnel et de
spiritualité
°°
N.C. :
Vous
êtes fascinée
par
la figure du Christ.
Quel
visage a-t-il pour
vous ?
Dans
la tradition
où je suis née, celui
qui me fait connaître Dieu,
c’est le Christ. Depuis ma relation
avec lui est celle d’un compagnonnage,
d’une réelle proximité.Quoi qu’il
arrive, les choses ne sont
jamais longtemps
désespérantes
car il
marche
devant et
m’ouvre la voie.
C’est une boussole
extraordinaire. Ce qui
prime,
c’est de suivre son sillage, de
(ré)entendre :
« Viens, suis-moi », de revenir à
la
relation avec lui, au
compagnonnage.
Échec

ou
réussite
redeviennent
alors toujours secondaires.
Le suivre relativise tout ce que l’on
vit.
N.C. : Vous parlez inlassablement
du « mal subi ». Chacun
porte-t-il
une antique blessure ?
L.B. : Il n’y a pas
de vie
sans
souffrance.
La blessure peut
être intégrée au fur et à
mesure comme faisant partie
de la vie, grâce à un entourage aimant
et à l’écoute.Le plus souvent, cela
se passe autrement… Ce qui n’a
pas été intégré continue
à faire mal. Et un jour,
on commence à
dysfonctionner
C’est là un
symptôme
à
écouter.
Je reçois un
courrier monumental,
avec des confessions inimaginables
. Ma règle d’or est de ne jamais me fier
aux apparences.Bien sûr,
certains
feront « comme si »
jusqu’à
leur dernier souffle,
et c’est leur corps
qui
« trinquera »…
En fait, souvent, lorsque
les gens craignent de soulever
le
couvercle de leur passé, c’est qu’ils n’ont
pas
encore rencontré la personne à qui
faire
confiance. Qu’attendent les
chrétiens
pour faire envie et
inspirer
confiance ?
N.C. :
Vous avez écrit
« Sainte colère ». Est-elle
nécessaire ? Le mal subi vous met en
colère ?
L.B. : Pendant longtemps, je n’ai pas
eu
accès à ma colère, car j’étais trop
détruite pour cela. Quand
la blessure est ancienne,
le temps de
colère
est
incontournable.
Aujourd’hui, j’ai évacué
toutes mes vieilles colères refoulées
et je peux me permettre de consacrer
moins
de temps à l’état
colérique.
C’est une perte de
temps :
on
doit
attendre
qu’elle refroidisse pour
passer à une lutte efficace
contre
l’inadmissible. Là est le véritable enjeu.
Je rassemble désormais mon énergie pour
parvenir plus vite à l’étape
suivante…
Pour autant, je ne reste pas
impassible devant
le mal subi.
Ainsi,
avec les personnes
qui me racontent leur histoire
et que j’accompagne, je m’aperçois que
ma colère est souvent plus forte que la
leur.
Cela leur permet de prendre peu à
peu
conscience qu’il y a, dans la
façon
dont ils ont été ou sont
traités, une
anomalie.
La
révolte
qu’ils lisent
sur mon visage les
ouvre à quelque chose
qui sourd en eux.J’ai
désormais
le mode d’emploi de la colère : quand
elle monte, je l’accueille. Je ne
décolère
pas pendant des jours, je
respecte
ce bouillonnement. Puis elle se
dégonfle comme une
baudruche ; je suis
alors prête à
agir.
N.C. :
Auriez-vous un
conseil essentiel à
donner ?
L.B. : Dès que le regard se tourne
vers l’avant, on commence à
entrevoir
que l’on peut faire quelque chose du
malheur.
Il peut déboucher sur un partage qui
va
créer du lien et aider les autres.
Il m’est apparu urgent
d’arrêter de
regarder
en
arrière
en recherchant
les causes du
malheur :
l’issue n’était pas là. Les autres
et le tout Autre ne cessent de
solliciter
en moi ce qui me tire en avant. Ma
question
est donc désormais :
pourquoi
suis-je là ? En vue de quoi ?
Vers quoi est-ce que je
marche ?
°°