2010-02-28T07:28:00+01:00
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2010-02-28T07:27:00+01:00
2010-02-28T07:18:00+01:00
silence (3)
. La
troisième famille
de mots
qui évoquent le silence
est aussi tout autre.
C’est le silence du neutre,
de l’inertie, du « destin », un peu comme dans Genèse 1 :
« Il y eut un soir (silence de la nuit),
il y eut un matin ».
Silence de ce temps entre soir et matin.
Plus généralement le silence du destin,
de ce qui ne nous est pas expliqué.
Silence du monde secret de Dieu
où l’homme est étranger.
Prenons une image simple
. Vous êtes déjà peut-être montés
dans un avion, mais très peu d’entre nous avons
été autorisés à entrer à l’intérieur de la tour de contrôle
de l’aéroport, là où les aiguilleurs du ciel
guident les mouvements
des avions, leur décollage ou leur atterrissage.
Nous n’avons pas la permission
d’être là ou sont décidés ces déplacements,
de savoir pourquoi, quand et comment
ils sont dirigés là
ou ailleurs.
Nous savons
que c’est à partir de cette tour,
à laquelle nous n’avons pas accès,
que tout se décide,
et d’ailleurs qu’y comprendrions-nous ?
Seuls, les aiguilleurs connaissent
les raisons des allées et venues de chaque avion.
Là résident les pourquoi, les explications
aux mouvements de
chacun d’eux.
Nous
devons nous rendre
à l’évidence : nous ne sommes pas, nous humains,
admis dans la tour de contrôle du ciel.
Il ne nous est pas donné de saisir les tenants
et les aboutissants, les causes premières de tout,
les raisons en particulier de tel décès, de tel accident,
de telle séparation, de tel désert.
Je crois que nous ne devrions pas nous sentir découragés
ou culpabilisés face au silence
que Dieu nous impose
quand le mal nous atteint.
Il serait préférable d’abandonner
cette idée, inexacte d’ailleurs, selon laquelle
si nous étions de meilleurs chrétiens,
vivant plus près de Dieu, celui-ci nous
révèlerait alors tous
ses secrets.
Ce monde
du silence vient heurter l’homme
qui a besoin de compréhension pour être en sécurité.
Ce silence, c’est le défi à sa raison.
En face du silence de l’infini de Dieu,
l’homme prend conscience de sa finitude,
de sa limite d’homme.
Là se crée l’espace pour la foi en Dieu.
Le philosophe Nietzsche disait :
« Si je connais le pourquoi,
je peux endurer tous les comment ».
Ce silence-là est celui qui
en appelle le plus à notre foi en la souveraineté
de Dieu sur notre vie
. Ici la foi, c’est croire que la nuit n’est pas ténèbres,
que le silence n’est pas abandon
ou absence.
Job, contrairement au silence d’Abraham,
n’obtient aucune explication,
il ne lui est donné aucune promesse, aucune parole
. Il est précipité dans la mort des siens,
la maladie, la souffrance, et il est entouré du silence
. Ce silence durera, selon certains commentateurs, quarante ans.
De plus Job doit se battre contre les paroles vaines
de ses amis, de ceux qui veulent rompre
ce silence insoutenable pour la raison.
Job leur dit :
« Que n’avez-vous gardé
le silence ! »
Que de bavardages
,face aux Job d’aujourd’hui !
Que de paroles vaines
qui finalement montrent la peur du silence
, la peur de la rencontre avec soi-même.
Si Abraham retrouve son fils après l’épreuve du silence,
Job après son épreuve, ne retrouve
pas ses enfants.
Il en aura d’autres, mais les enfants
ne sont pas interchangeables,
nous le savons bien.
Job garde la blessure du silence.
En tout cela, nous dit la Bible,
« Job ne pécha point ».
Job, s’il est placé
face au silence de Dieu,
ne reste pas, lui, dans le silence !
Il parle, il crie, il dit sa colère, son malheur à Dieu.
Job apprend à ne pas tout comprendre
de Dieu, il apprend que Dieu
ne se réduit à l’image qu’il se fait de lui.
Dans nos silences, dans nos conflits intérieurs,
nous expérimentons bien souvent
« la paix qui surpasse toute
intelligence ».
Au fond de son silence
de la nuit inexplicable, celle dont parle
Jean de la Croix, Job dit :
« Je sais que mon Rédempteur est vivant
et qu’il se lèvera le dernier ».
Les silences de Dieu
dans notre vie nous posent un conflit intérieur,
d’autant plus que nous vivons
dans une société de communication.
Mais pour nous, le silence de Dieu
n’est pas l’absence de Dieu.
Le conflit dans lequel il nous place
est un temps de profonde mutation
personnelle.
Terminons en pensant
au silence de Jésus sur la croix,
et rappelons-nous que s’il a vécu
les trois sortes de silence,
c’est justement pour que dans nos silences à nous,
nous ne soyons plus jamais seuls,
et qu’il soit près
de nous.
J Poujol
2010-02-27T06:40:00+01:00
2010-02-27T06:30:00+01:00
2010-02-27T06:29:00+01:00
silence (3)
. La troisième famille
de mots
qui évoquent le silence
est aussi tout autre.
C’est le silence du neutre,
de l’inertie, du « destin », un peu comme dans Genèse 1 :
« Il y eut un soir (silence de la nuit),
il y eut un matin ».
Silence de ce temps entre soir et matin.
Plus généralement le silence du destin,
de ce qui ne nous est pas expliqué.
Silence du monde secret de Dieu
où l’homme est étranger.
Prenons une image simple
. Vous êtes déjà peut-être montés
dans un avion, mais très peu d’entre nous avons
été autorisés à entrer à l’intérieur de la tour de contrôle
de l’aéroport, là où les aiguilleurs du ciel
guident les mouvements
des avions, leur décollage ou leur atterrissage.
Nous n’avons pas la permission
d’être là ou sont décidés ces déplacements,
de savoir pourquoi, quand et comment
ils sont dirigés là
ou ailleurs.
Nous savons
que c’est à partir de cette tour,
à laquelle nous n’avons pas accès,
que tout se décide,
et d’ailleurs qu’y comprendrions-nous ?
Seuls, les aiguilleurs connaissent
les raisons des allées et venues de chaque avion.
Là résident les pourquoi, les explications
aux mouvements de
chacun d’eux.
Nous devons nous rendre
à l’évidence : nous ne sommes pas, nous humains,
admis dans la tour de contrôle du ciel.
Il ne nous est pas donné de saisir les tenants
et les aboutissants, les causes premières de tout,
les raisons en particulier de tel décès, de tel accident,
de telle séparation, de tel désert.
Je crois que nous ne devrions pas nous sentir découragés
ou culpabilisés face au silence
que Dieu nous impose
quand le mal nous atteint.
Il serait préférable d’abandonner
cette idée, inexacte d’ailleurs, selon laquelle
si nous étions de meilleurs chrétiens,
vivant plus près de Dieu, celui-ci nous
révèlerait alors tous
ses secrets.
Ce monde
du silence vient heurter l’homme
qui a besoin de compréhension pour être en sécurité.
Ce silence, c’est le défi à sa raison.
En face du silence de l’infini de Dieu,
l’homme prend conscience de sa finitude,
de sa limite d’homme.
Là se crée l’espace pour la foi en Dieu.
Le philosophe Nietzsche disait :
« Si je connais le pourquoi,
je peux endurer tous les comment ».
Ce silence-là est celui qui
en appelle le plus à notre foi en la souveraineté
de Dieu sur notre vie
. Ici la foi, c’est croire que la nuit n’est pas ténèbres,
que le silence n’est pas abandon
ou absence.
Job, contrairement au silence d’Abraham,
n’obtient aucune explication,
il ne lui est donné aucune promesse, aucune parole
. Il est précipité dans la mort des siens,
la maladie, la souffrance, et il est entouré du silence
. Ce silence durera, selon certains commentateurs,
quarante ans.
De plus Job doit se battre
contre les paroles vaines de ses amis,
de ceux qui veulent rompre
ce silence insoutenable pour la raison.
Job leur dit :
« Que n’avez-vous gardé
le silence ! »
Que de bavardages
,face aux Job d’aujourd’hui !
Que de paroles vaines
qui finalement montrent la peur du silence
, la peur de la rencontre avec soi-même.
Si Abraham retrouve son fils après l’épreuve du silence,
Job après son épreuve, ne retrouve
pas ses enfants.
Il en aura d’autres, mais les enfants
ne sont pas interchangeables,
nous le savons bien.
Job garde la blessure du silence.
En tout cela, nous dit la Bible,
« Job ne pécha point ».
Job, s’il est placé
face au silence de Dieu,
ne reste pas, lui, dans le silence !
Il parle, il crie, il dit sa colère, son malheur à Dieu.
Job apprend à ne pas tout comprendre
de Dieu, il apprend que Dieu
ne se réduit à l’image qu’il se fait de lui.
Dans nos silences, dans nos conflits intérieurs,
nous expérimentons bien souvent
« la paix qui surpasse toute
intelligence ».
Au fond de son silence
de la nuit inexplicable, celle dont parle
Jean de la Croix, Job dit :
« Je sais que mon Rédempteur est vivant
et qu’il se lèvera le dernier ».
Les silences de Dieu
dans notre vie nous posent un conflit intérieur,
d’autant plus que nous vivons
dans une société de communication.
Mais pour nous, le silence de Dieu
n’est pas l’absence de Dieu.
Le conflit dans lequel il nous place
est un temps de profonde mutation
personnelle.
Terminons en pensant
au silence de Jésus sur la croix,
et rappelons-nous que s’il a vécu
les trois sortes de silence,
c’est justement pour que dans nos silences à nous,
nous ne soyons plus jamais seuls,
et qu’il soit près
de nous.
2010-02-26T12:03:00+01:00
2010-02-26T06:39:00+01:00
2010-02-26T06:36:00+01:00
silence (2)
Nous parlerons à présent
des autres silences qui nous touchent
en tant que chrétiens.
Il s'agit bien toujours de silences,
mais c'est une toute autre idée qui est exprimée.
On entre dans le conflit intérieur.
La deuxième
famille de mots
désigne les silences annonciateurs,
préparateurs, d'une
explosion de vie.
Des silences ressemblant
à une rivière dans le désert, cachée, souterraine,
et qui de temps en temps jaillit, où rejaillit dans une oasis.
Ou les silences du chef d’orchestre.
Si vous êtes allés écouter un orchestre,
vous savez qu’avant que cela commence,
chaque musicien, dans la fosse ou sur l’estrade,
essaie son instrument.
Mais à un moment donné, le chef
vient avec sa baguette,
et il tape trois petits coups,
...
Que se passe-t-il à ce moment-là ?
Silence dans l’orchestre,
dans la salle, j’allais dire un silence religieux !
Un silence qui tombe.
Non pas un silence de mort, mais un silence de vie.
Un silence qui veut dire :
maintenant va commencer ce pour quoi tu es venu,
tu as payé, tu as pris place.
Tends tes oreilles, ouvre ton cœur et tes yeux,
le spectacle commence.
Et dans ce moment là,
dans ce silence porteur de vie,
j’attends que la vie se manifeste.
Silence annonciateur de vie !
Ces silences sont plus ou moins longs.
Mais ce sont des silences précédés,
accompagnés d’une parole
. Dieu parle, il y a silence,
le silence de la foi peut-être, de la confiance,
et ce silence me dit :
« Attends ! »
« Il est bon d’attendre
en silence le secours de l’Éternel. »
Lam. 3.26
Ce silence a duré quatre cents ans :
entre Malachie et Matthieu.
Entre la promesse que Dieu va venir,
et la réalisation de la promesse.
Et puis un jour, dans le désert,
Jean Baptiste tape les trois petits coups dans l’eau !
Et la Parole arrive...
l’attente est récompensée.
Silence de Jésus devant ses juges,
silence qui précède et prolonge la parole.
C’est aussi le silence d’Abraham.
J’aime beaucoup Abraham.
L’homme à qui Dieu a parlé,
l’homme qui s’est mis en marche,
mais l’homme qui a dû vivre des silences.
L’ami de Dieu.
Celui qui ose sortir pour aller vers lui-même.
Il est mis en marche par une parole,
et il sort... pour rencontrer
des silences.
Vous savez qu'Abraham
aura un problème avec le silence,
qu’il essaiera de le remplir,
justement parce qu’il y a encore en lui
des conceptions à changer, et un combat
à mener à l’intérieur de lui-même.
Il va remplir ces silences de ses actions.
Et ses réponses au silence
qu’il ne supportera pas
tant qu’il ne se laissera pas vraiment changer,
c’est, entre autres, Agar et Ismaël.
Vingt-cinq ans de silence !
Pour Abraham,
c’est long...
On comprend
qu’il se soit impatienté
sur le fauteuil en attendant que l’orchestre
commence à jouer
. Et pourtant, il est appelé le père des croyants.
Car Abraham se rattrapera,
si j’ose dire, au mont Morija
Genèse 22
Extraordinaire histoire, le Morija.
Le silence du Morija.
Abraham sait que Dieu, d'une certaine façon,
lui a promis la résurrection de son fils.
Mais il sait aussi qu’il doit obéir et marcher.
Et pendant tous ces jours où il monte vers le Morija
avec son fils
(précisons, pour les cœurs sensibles,
qu’Isaac n’est plus un enfant,
il a au moins trente ans)
, avec le bourricot, le serviteur, le bois...
tout le monde se pose des questions,
sauf le bourricot peut-être.
Ils montent. « Où est le sacrifice, père ?
On a le bois, on a le feu,
où est le sacrifice ? »
Pensez-vous qu’Abraham ne se posait pas la question ?
Et qu’il ne se disait pas :
« Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais... »
Si Abraham avait eu une parole
d’encouragement,
si on lui avait mis des panneaux
le long du chemin pour l’encourager...
On aurait éliminé le conflit de la vie d’Abraham
. Le conflit du silence de Dieu dans sa vie.
Pourtant c’est au travers de ce conflit intérieur,
face à ce silence insoutenable,
déchirant, mais accompagné de la parole,
qu’Abraham change.
Et d’ailleurs en arrivant là-haut,
son nom même est changé.
Il devient l’ami de Dieu.
Abraham a compris
que silence ne veut pas dire absence.
Que le silence ne veut pas dire
que Dieu se désintéresse.
Mais qu'il signifie tension
et transformation de vie.
« Il est bon d’attendre
en silence le secours de l’Éternel. »
Le Psaume 37 dit :
« Garde le silence et
espère en lui. »
Le silence accompagné de paroles,
c’est le silence du Sinaï.
Vous avez compris,
elle est extraordinaire, cette histoire du Sinaï !
Voilà que Moïse monte pour
recevoir la parole.
Le peuple est venu pour cela,
pour recevoir cette parole-là, et il y a Moïse et Aaron —
deux frères. Ces deux frères,
c’est moi, nous dit Bonhoeffer.
Ces deux frères, ce sont mes divisions intérieures,
mes conflits intérieurs.
Voilà donc Moïse
montant sur la montagne pour y recevoir la parole.
Et Aaron avec le peuple en bas,
attendant de recevoir la parole, dans le silence.
Quarante jours de silence, c'est long.
C’est trop long pour ce peuple qui vient d’Egypte
où il fonctionnait dans le faire, le produire,
dans l'obligation d'être compétitif.
Sa philosophie, c’était de faire
. Il ne savait pas rester inactif
et se laisser transformer par ce
conflit intérieur du silence.
C'est pourquoi il veut faire - et que fait-il ?
Un veau d’or. Image tirée de l’imaginaire de l’Égypte,
le bœuf Apis
. Et avec quoi fait-il son veau d’or ?
Avec les bijoux du peuple, mais quels bijoux ?
Les anneaux des oreilles, uniquement.
Comme pour dire :
bouchons-nous les oreilles pour ne pas entendre ce silence,
et projetons devant nous une image
qui soit une réponse afin d'échapper au conflit
que nous imposent les silences de Dieu
. Bien pire encore :
le peuple dit que la réponse de Dieu,
c’est ce veau d’or.
Faisons la fête !,
propose Aaron.
Et ils se divertissent...
Et enfin, Moïse descend avec les tables de la loi -
vous connaissez la suite de l’histoire
Exode 32
Chaque fois que
je n’attends pas la parole annoncée,
promise par Dieu, la parole d’en haut,
chaque fois que je cède à la tyrannie de l’urgent
et que l’urgent prend le pas sur l’essentiel,
chaque fois que je me fie aux schémas que j’ai en moi
(même s'ils sont chrétiens, bibliques)
plutôt que d’attendre la délivrance de Dieu, la parole de Dieu,
je risque fort de me faire un veau d’or.
Parce que nous connaissons la Bible,
et que nous avons même des livres
qui proposent un verset biblique pour chaque problème
, il n’y a plus de silences.
Je peux me fabriquer
mes propres réponses pour remplir mon silence,
en les tirant de ma tête, de mon cœur.
J’attire votre attention ici sur la grande tentation
qui est la nôtre :
vouloir remplir nos silences par des paroles
qui n’en sont pas,
et qui par conséquent nous empêchent de vivre
notre conflit et d’en sortir transformé
, ou qui empêchent les autres de le vivre
(parce que le silence que les autres traversent,
cela me dérange).
J’aimerais tellement, moi, chrétien,
fils de la Parole, porteur de la Parole, avoir
une parole pour tout le monde !
J'aimerais être toujours
en mesure de dire
: voilà la parole de Dieu pour toi, mon frère, ma sœur.
Mais je serais Dieu !
« Vous serez comme des dieux ! »
N'est-ce pas une tentation
de vouloir être ces gens qui ont
la parole pour les autres ?
Alors que souvent,
nous devrions reconnaître humblement le silence,
dire : « je ne sais pas ».
Et il faut attendre.
Je peux te confirmer dans ta foi,
t’encourager, je peux avancer avec toi.
Mais je dois accepter ma finitude,
cette finitude de la parole et, comme Moïse,
vivre dans l’attente de la parole
sans me culpabiliser.
Il est normal qu’il y ait des temps de silence.
C’est là dans ces tensions
que nos vies changent.
Nous devons accepter simplement
de rester homme à l’écoute de Dieu, et non pas vouloir
être Dieu pour les
hommes.
2010-02-25T06:09:00+01:00