En grec, dans le Nouveau Testament,
c'est le mot aphièmi
qui désigne le plus souvent l'action de pardonner ;
littéralement ce verbe signifie ‘enlever’, ‘écarter’, ...
Comme avec l'hébreu NaS'a’, il s'agit de retirer.
C'est d'ailleurs le sens d'autres mots grecs qui sont parfois traduits par
‘pardon’
dans le Nouveau Testament :
aphaireô par exemple, qui signifie
‘enlever’, ‘ôter’.
Il s'agit bien de faire place nette,
de se débarrasser de quelque chose qui encombre, quelque chose
qui empêche de vivre, de vivre libre.
C'est aussi le sens decet autre verbe grec
aniémi signifie ‘laisser aller’, ‘lâcher’, ...
Pour finir, parmi de très nombreux textes du Nouveau Testament
qui évoquent le pardon,
retenons-en trois qui disent chacun quelque chose d'essentiel
sur la dynamique du pardon.
Dans chacun de ces textes, c'est le verbe grec aphièmi
qui est employé.
• Tout d'abord l'histoire du pardon
et de la guérison simultanés d'un paralytique, au chapitre 2
de l'évangile de Marc.
————————————(Lire Marc 2,1-12)
De quoi s'agit-il ?
——- Un paralysé est amené
devant Jésus.
——- Au lieu de le guérir, Jésus lui
déclare :
————«Mon fils, tes péchés sont pardonnés».
——- Aussitôt les spécialistes de la Loi divine s'insurgent :
————«Pourquoi
parle-t-il ainsi ?
————Il
blasphème !
————Qui peut
pardonner les péchés, sinon un seul, Dieu ?».
——- Alors, pour montrer qu'il a le pouvoir de pardonner,
———Jésus guérit le paralytique.
——- Et l'ex-paralysé, maintenant guéri et pardonné rentre chez
lui
marchant debout avec sa natte sous le bras !
Pardon et libération sont ici intimement liés.
L'un manifeste l'autre et réciproquement.
——————Qu'est-ce qui paralysait le paralytique,
——————si ce n'est sa culpabilité ?
———————————
• Second texte, la question de Pierre à Jésus
sur les limites du pardon, au chapitre 18 de l'évangile de Matthieu
:
——"...Alors Pierre vint demander à Jésus
:
———«Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère,
———lorsqu'il péchera contre moi ? Irais-je jusqu'à sept fois ?»
——Jésus lui
répondit dit :
———«Je ne te dis pas jusqu'à sept fois,
———mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. ...»
——————————————Matthieu 18,21-22
——Pauvre Pierre !
Pauvre Pierre qui semble déjà faire un effort surhumain en
envisageant
7 offenses successivement pardonnées !
——Et voilà que Jésus lui prescrit de pardonner 539 fois son frère qui
l'offensera !
Mais bien sûr la réponse de Jésus va encore plus loin puisqu'à l'évidence ce chiffre,
ou plutôt cette multiplication signifie ‘indéfiniment’.
Le pardon n'est pas affaire de calcul, il est total ou il n'est pas.
C'est bien ce que nous pressentions pour commencer (comme Pierre)
dans cette étymologie du mot français ‘pardon’,
qui signifie littéralement “tout donner”.
——Mais comment cela
nous est-il possible ?
• Pour répondre à cette question, un troisième et dernier texte
nous donne une piste.
C'est la demande bien connue de la prière du Notre Père
Matthieu 6,12 :
———«...Pardonne-nous nos
offenses
———comme nous
pardonnons
———à ceux qui nous
ont offensé.»
Une phrase que l'on pourrait aussi traduire par
———«...Pardonne-nous nos torts envers toi,
———comme nous-mêmes nous avons pardonné
———à ceux qui avaient des torts envers
nous.» (TOB)
—Ou encore :
———«...Remets-nous
nos dettes,
———comme nous aussi
nous l'avons fait
———pour nos
débiteurs.» (NBS)
——C'est cela le
pardon : il n'y a plus rien à payer,
——tu peux vivre libre de la dette,
de la
culpabilité.
• Une dernière remarque pour conclure avec ce verset
——Pour pardonner, il faut se savoir pardonné.
———Pour pardonner, il faut donc être deux ...
————et même peut-être trois !
Ou, pour le dire autrement,
la source de ce pardon que nous pouvons accorder à l'autre
n'est pas en nous-même, mais dans le pardon
que nous aurons préalablement reçu
. Le pardon reçu comme autorisation de vivre sans avoir à s'en justifier
(c'est le sens du rachat dans l'Ancien Testament).
C'est le pardon reçu comme libération du passé
pour s'ouvrir à l'avenir.
Voilà la source du pardon sans limite
qui libère tout autant celui qui est pardonné
que celui qui pardonne.
L'enjeu du pardon est énorme :
Il s'agit ni plus ni moins que d'être libéré à la fois de la rancœur
et de la culpabilité.
Car la culpabilité, à distinguer du sens de la faute et de la responsabilité,
la culpabilité donc, comme la rancœur,
est bien quelque chose qui ne vous lâche pas facilement,
quelque chose qui empêche
d'aller de l'avant.
Par leurs images
, les mots de la Bible disent à leur façon que recevoir le pardon,
c'est être rendu capable de pardonner,
c'est libérer l'avenir, pour l'autre
et pour soi.
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