Un peu d'étymologie ...
• D'où vient donc le mot français 'pardon’ ?
Eh bien il vient de 'don’, 'donner’.
Eh oui, le pardon est d'abord un don.
Mais c'est un don total, entier, parfait comme l'indique
le préfixe par (du latin per).
“Par–donner”, c'est donner complètement, c'est “tout donner”.
Il semble d'ailleurs que l'origine du mot ‘pardon’,
et ses premières attestations latin tardif perdonare,
et en vieux français dans le sens que nous lui connaissons,
renvoient à l'idée de “faire grâce”, “laisser la vie sauve”, d'où
“remettre à quelqu'un la punition
de sa faute”.
• Cependant,
même quand il en va de la vie ou de la mort,
le pardon se situe toujours dans une relation,
il est toujours demandé à une personne, à quelqu'un
qui peut changer le cours logique de la condamnation,
de la vengeance ou
de la rancoeur.
A l'inverse, quand on a affaire à un phénomène non-humain
qui est fatal, on dira : «Ça ne pardonne pas» ...
C'est-à-dire que dans ce cas, il n'y a pas de pardon à demander,
et de toute façon personne pour accorder ce pardon ;
automatiquement la conséquence tombera.
Seule une personne peut pardonner,
seule une personne peut inverser le cours naturel,
logique ou juridique des choses.
C'est pour cela que seul un Dieu personnel peut
accorder le pardon.
• Enfin, pour terminer
ce tour d'horizon des usages du mot ‘pardon’ en français,
il y faut mentionner les pardons, ces pèlerinages religieux
bien connus en Bretagne.
Cérémonies dans lesquelles il s'agit précisément, à l'origine,
de faire pénitence pour les fautes commises,
d'implorer le pardon de Dieu, et d'en célébrer le don.
Des cérémonies qui rappellent de très loin la grande fête juive
du Yom Kippour.
Le YoM KiPouR. Une expression traduite en français par
“Grand Pardon”, mais qui signifie littéralement
“jour de l'expiation”.
Cette fête majeure du calendrier liturgique juif est célébrée
, le dixième jour de l'année ;
il s'agit donc de commencer l'année nouvelle en étant déchargé
du poids des fautes commises l'année précédente,
il s'agit d'être libéré de l'enferment
dans une culpabilité mortifère pour
s'ouvrir à l'avenir.
Voilà qui nous ramène à la Bible et aux mots qui y sont employés
pour signifier l'action de pardonner.
Commençons
par la Bible hébraïque
En hébreu, dans la Bible juive
c'est majoritairement le verbe SaLeHa
qui est traduit par ‘pardonner’ dans nos Bibles françaises.
Ce mot est à rapprocher d'une racine Ugaritique signifiant ‘pardonner’,
et d'une racine Akkadienne signifiant ‘asperger’,
sans doute en relation avec un ancien rituel de pardon.
On retrouve d'ailleurs cette idée d'aspersion dans les rites
sacrificiels prescrits dans les livres de
l'Exode et du Lévitique.
• On trouve aussi le mot NaS'a’
qui signifie littéralement ‘lever’ ou ‘enlever’
c'est-à-dire “lever la condamnation"
ou “ne plus tenir compte de la faute”,
“faire comme si elle n'avait
pas eu lieu”.
• En hébreu, un troisième verbe est utilisé :
le verbe KaPaR qui signifie littéralement ‘couvrir’.
Ici, l'image est différente, il ne s'agit plus d'enlever,
mais de couvrir, de recouvrir, de cacher la faute.
Attention ! Il ne s'agit pas comme dans l'expression française
de “couvrir un acte délictueux”
en le tolérant et en le dissimulant frauduleusement.
Pour que cette ‘couverture’ de la faute soit réalisée par un rituel,
il est nécessaire que cette faute soit explicitement
reconnue et formulée.
C'est à cette condition seulement qu'elle peut être ‘recouverte’ par Dieu
dans sa miséricorde.
C'est ce même verbe KaPaR (= couvrir)
qui a donné le mot KiPPouR
Ce beau mot hébreu est
malheureusement
souvent traduit par ‘expiation’ dans nos Bibles.
Or, dans le langage français courant
‘expier’ signifie “souffrir pour racheter sa faute”
; mais cela n'a rien à voir avec la notion biblique.
Le KiPPouR est un don de Dieu qui en couvrant la faute
permet de reconstruire la relation, c'est le sacrifice qui permet
à la vie de l'individu et de la communauté de continuer
en retrouvant son harmonie.
Ainsi, les termes français ‘absolution’ ou ‘pardon’
sont de meilleures traductions,
car plus positives
de cette notion de Kippour qui est tournée vers la vie.
C'est ainsi qu'il est déclaré dans
Lévitique 17,11:
—————“Moi (il s'agit de Dieu),
—————Moi, je vous ai donné le sang sur l'autel,
—————pour l'absolution de votre vie.
—————En effet, le sang procure l'absolution
—————parce qu'il est la vie.”
Sans doute, dans notre culture moderne occidentale,
l'utilisation du sang de victimes sacrificielles en vue de l'absolution,
du pardon, ne nous parle plus beaucoup,
mais il est en tout cas clair que le pardon s'inscrit
dans une perspective de vie
restaurée.
• D'autres images sont encore utilisées
dans la Bible hébraïque pour exprimer cette riche notion de pardon :
celle de la libération, du rachat, de la purification,
du nettoyage, de la guérison, etc ...
autant de métaphores qui disent à quel point le pardon
est un besoin vital des humains
que nous
sommes.
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