2.2 Le méchant esclave
Mais il y a aussi
un autre côté du tableau,
le côté sombre. Nous le retrouverons dans les
deux paraboles
suivantes.
« Mais si ce méchant
esclave-là dit en son cœur :
Mon maître tarde à venir, et qu’il se mette
à battre ceux qui sont esclaves avec lui
, et qu’il mange et boive
avec les ivrognes, le maître de cet esclave-là
viendra en un jour qu’il n’attend pas, et à une heure
qu’il ne sait pas, et il le coupera en deux
et lui donnera sa part avec
les hypocrites
: là seront les pleurs
et les grincements de dents »
Mat24:51
Comme le Seigneur
parle de « ce méchant esclave-là »,
beaucoup se sont demandés : d’où vient-il donc,
ce méchant esclave-là.
Pourquoi dit-Il :
« ce … là » ?
De qui parle-t-Il ?
2.2.1 Deux groupes d’ouvriers
Comprenons d’abord
que l’esclave fidèle et le méchant esclave
ne représentent pas des individus,
mais différents groupes de serviteurs.
L’esclave fidèle et prudent
symbolise le groupe des serviteurs fidèles
du Seigneur au temps du christianisme,
le méchant esclave
le groupe des serviteurs infidèles, indignes
. Par contre,
dans la troisième parabole
nous avons bien l’aspect individuel
des ouvriers, mais pas ici
. Il est extrêmement
utile de considérer ces précisions.
La conjonction « si »
est un « si » d’expectative.
Le Seigneur prévoit de Son œil spirituel
un changement néfaste des serviteurs
dans la sphère chrétienne.
Ce changement concerne
le caractère des serviteurs, non pas leur position,
et il a pour origine l’abandon de l’espérance
du retour du Seigneur.
En ce qui concerne la position,
le méchant esclave est vu
et traité de la même manière que l’esclave fidèle.
Ceci veut dire que tous les deux
sont vus comme établis sur les domestiques,
et qu’ils en sont donc tous les deux responsables.
Mais c’est le caractère de l’esclave qui change :
Il est devenu un méchant esclave
. C’est dans ce sens-là
que le Seigneur considère
le méchant esclave comme étant le même esclave,
et dit à cause de cela :
« Mais si cet esclave-là… ».
Nous avons la même manière de voir
dans la parabole du « grain de moutarde »,
où le petit grain de semence,
quoique semé par
le Seigneur Lui-même dans Son champ,
devient un grande arbre et offre une demeure
aux oiseaux du ciel
Mat13:31, 32
Cependant,
les deux groupes de serviteurs subsistent
jusqu’à la venue du Seigneur —
la parabole le montre aussi clairement, —
même s’ils vivront différemment cette venue.
Nous y reviendrons plus tard.
Néanmoins,
le Seigneur veut démontrer
un développement en mal, et en même temps
Il veut préciser que pendant toute la dispensation
de la grâce, il y aura des ouvriers fidèles et prudents,
« jusqu’à ce qu’Il vienne ».
Nous pensons parfois
que les méchants esclaves ne sont pas du tout
des serviteurs du Seigneur. Mais le Seigneur nous enseigne
autre chose dans cette parabole.
Ce n’est pas seulement
le méchant esclave lui-même qui dit :
« mon maître »,
mais c’est également le Seigneur
qui se nomme Lui-même le
« maître de cet esclave »
24:50
Ceci est remarquable.
Si quelqu’un professe être au Seigneur,
et être un serviteur du Seigneur,
alors il est aussi responsable
vis-à-vis de ce Seigneur.
Le Seigneur Jésus ne dit pas :
« Tu n’es pas mon esclave »,
mais Il agit avec lui selon sa profession,
et selon qu’il a été conforme
à cette profession
de foi
Ce principe
s’étend à toute la chrétienté.
Si quelqu’un professe être à Christ
par le baptême ou par la cène ou de tout autre manière
, il est aussi responsable vis-à-vis de ce Seigneur —
responsable de vivre selon ses enseignements.
Le Seigneur ne le libère pas de cette responsabilité
si sa profession est vaine et qu’il n’y a
pas de vie divine.
Si quelqu’un prétend être chrétien,
le Seigneur le jugera sur ce terrain-là,
non pas comme un païen qui n’a jamais entendu parler de Lui,
et qui porte donc une responsabilité
bien moindre.
2.2.2 Il commence « dans le cœur »
Comment le mal
est-il entré dans l’assemblée ?
Cela a commencé dans le cœur
par l’abandon de l’espérance du retour immédiat de Christ :
« Mais si ce méchant esclave-là dit en son cœur :
Mon maître tarde à venir… ».
Notons que c’est le langage du cœur
que seul peut percevoir Celui qui connaît les cœurs.
Or c’est là, dans le cœur,
que l’évolution funeste a eu son point de départ
. Il en est toujours ainsi.
Quand Étienne se tenait devant ses
accusateurs juifs, il dut leur rappeler leurs pères
« qui ne voulurent pas être soumis »
à Moïse et donc à Dieu
; « mais ils le repoussèrent et retournèrent
de leur cœur en Égypte »
Actes 7:39
Si on aime le Sauveur
, il n’y a rien de plus normal
et de plus beau que d’attendre ardemment
l’accomplissement de Sa promesse
de revenir bientôt
. Pour un tel chrétien
le retour de Christ n’est pas qu’une question doctrinale,
mais un besoin du cœur
. Les croyants
à Thessalonique s’étaient
« tournés des idoles vers Dieu,
pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre
des cieux son Fils»
1 Thes 1:9, 10
Voilà, bien-aimés,
ce qui devrait être notre attitude et notre espérance !
Le Seigneur Jésus n’a-t-Il pas dit qu’Il reviendrait
pour nous prendre auprès de Lui,
afin que là où Il sera, nous,
nous soyons aussi
Jean 14:3
Cette espérance
est sur Son cœur,
et elle devrait également être sur le nôtre.
Oui, son cœur
nous désire,
et Il transformera ce désir en réalité.
Peut-il donc y avoir de notre côté
une autre réponse que celle de chercher du regard
Celui qui nous aime ?
Mais il peut en être autrement.
Pourquoi est-ce que je parle de nous
les enfants de Dieu, alors que c’est le « méchant esclave »
qui est devant nos yeux ?
Son langage peut-il aussi être le nôtre ?
Malheureusement, oui !
Nous pouvons certes ne pas être directement
« ce méchant esclave-là »,
Mais nous pouvons
tout à fait tenir son langage,
avec des conséquences catastrophiques
pour nous aussi.
Notons bien
que le méchant esclave
ne pense pas que son maître ne va pas revenir,
mais il repousse cet événement
(non désiré)
vers un futur éloigné
comp. 2 Pi 3:4, 9
Si le diable réussit
à faire cela avec nous, la ruine est inéluctable.
Peu importe la méthode utilisée par l’adversaire pour
arriver à son but.
Soit il amène le monde entre nous et Christ,
soit il introduit de nouveaux
enseignements :
par exemple
l’opinion selon laquelle les croyants
devraient préalablement traverser la grande tribulation
[post-tribulationistes],
ou l’idée que la venue de Christ
ne pourrait avoir lieu qu’après le règne millénaire
[post-millénaristes].
Le résultat est le même dans les deux cas :
L’attente immédiate de Sa venue
est relativisée (atténuée)
, Son retour est repoussé dans le lointain,
et en conséquence le cœur
perd sa force vive.
On s’installe sur la terre ;
c’est elle qui devient le domicile
(ou : la patrie) de l’âme, non pas le ciel.
Et finalement
on est même satisfait de penser que Christ
ne viendra pas avant longtemps
, si tant est qu’on croie qu’Il
reviendra un jour.
Dans la chrétienté
les choses ont évolué depuis longtemps
dans cette direction ; c’est l’état le plus largement répandu.
Mais — quel avertissement !—
ce qui a conduit à cela n’était à l’origine
rien d’autre que l’abandon de la bonne manière de penser.
Et c’est ainsi que ceux qui auraient dû être fidèles
et prudents sont devenus infidèles et méchants.
Qu’on comprenne bien cette phrase !
Il n’est pas question ici de savoir si un croyant
peut après tout aller à la perdition —
ce que l’Écriture nie sans ambiguïté
Jean 10:27-30
mais il s’agit dans cette parabole de la responsabilité
du serviteur au temps du
christianisme.
2.2.3 Gouverner au lieu de servir
Après avoir perdu
la bonne orientation d’esprit
, l’étape suivante est la prétention à une fausse position :
« et il se met à battre ceux qui sont esclaves avec lui ».
Ceci est un changement radical d’un
vrai service tel que le Seigneur vient de le décrire
Matthieu 19:29, 30
. Il nous montre là
deux grands principes qui devraient
être la motivation du vrai serviteur au service :
l’amour et l’humilité
Ici, nous avons au contraire
l’élévation du Moi et l’oppression des autres.
Il n’est pas difficile de suivre
les progrès de cet état d’esprit dans l’histoire
de la chrétienté à travers les siècles.
Déjà au temps des apôtres,
il y avait un homme dont l’apôtre Jean a dû dire
: « …qui aime à être le premier parmi eux »
3 Jean 9
Il a rapidement fait école.
Je ne veux pas dire qu’en principe
l’exercice de l’autorité dans l’assemblée soit faux.
Au contraire, il est voulu de Dieu.
Le Seigneur tient les sept étoiles dans
Sa main droite ;
Il les a placées pour répandre
dans l’assemblée la lumière divine pour conduire
et pour enseigner
Apo 1:16, 20 ; 2:1
Le Seigneur les mesurera
selon qu’elles auront répondu
à cette position et à ce devoir et se seront
soumises en tout à Sa volonté
et à Sa parole.
Dans ce contexte
j’aimerais mentionner que
dans l’Écriture sainte le « soleil » est souvent utilisé comme image
d’une autorité absolue (Dieu),
la « lune » comme image d’une autorité déléguée (l’assemblée)
et les « étoiles » comme l’image d’une autorité subordonnée
anges des assemblées
les deux dernières
« pour dominer sur la nuit »
comp. Genèse 1:16 ;
Psaume 136:9
Dieu attend de Ses serviteurs
que Sa volonté soit présentée et réalisée
dans l’assemblée avec
autorité.
Ces remarques
montrent aussi clairement que l’exercice
de l’autorité dans l’assemblée n’a strictement rien à voir
avec une domination de propre volonté sur elle.
Le travail de paître le troupeau de Dieu
doit être fait ; la surveillance sur ce troupeau doit s’exercer.
Mais l’apôtre Pierre ajoute aussitôt cet avertissement
à ceux auxquels le Seigneur a confié un tel service :
« non pas comme dominant
sur des héritages »
1 Pierre 5:1-3
Quand le Seigneur
parlait dans Sa parabole d’esclaves battant les autres,
Il vivait sur la terre.
À peine 70 ans plus tard,
Il donnait du ciel au vieil apôtre Jean
la mission d’écrire sept lettres à sept assemblées —
des lettres qu’Il lui a dictées Lui-même
. Dans deux de ces lettres,
Il mentionne un certain groupe de gens, les nicolaïtes,
et Il parle de leurs « œuvres »
et de leur « doctrine »
Ap 2:6, 15
« Nicolaïtes »
signifie « dominateur du peuple »
et nous pouvons en déduire que, par cette
expression symbolique,
le Seigneur
visait l’apparition (précoce)
d’un système clérical, même s’Il ne voulait pas limiter
l’expression à cette pensée.
Ce système
ecclésiastique nia rapidement
la sacrificature de tous les croyants,
comme l’enseigne l’Écriture sainte
1 Pierre 2:5, 9
et il mit de côté la libre action
du Saint Esprit dans la prédication de la Parole de Dieu.
Il introduisit la différence,
contraire à l’Écriture, entre clergé et laïcs,
ce qui amena la domination sur ces derniers.
Seule une certaine classe,
recevant une ordination par des hommes,
avait le droit de prêcher, d’enseigner et de conférer
les soi-disant sacrements
baptême et cène
Un exemple historique
confirme la rapidité avec laquelle ces principes
faux ont pris pied dans la chrétienté :
Ignace avait été à l’école de l’apôtre Jean
et était son ami.
Il ne lui survécut guère que sept ans.
La veille de sa mort comme martyr, en chemin
vers Rome, vers l’an 107,
cet homme dévoué,
évêque d’Antioche et archevêque de la Syrie,
écrivit sept lettres à différentes assemblées.
Dans ces lettres,
il souligne la soumission des croyants à l’évêque
et leur demande « de regarder à l’évêque
comme au Seigneur Lui-même ».
Il écrit à l’assemblée à Philadelphie :
« J’ai crié, lorsque j’étais parmi vous, je vous ai dit bien fort :
‘Écoutez l’évêque et les anciens et les diacres !’ »
(Andrew Miller, Histoire de l’église).
2.2.4 La communion avec le monde
Après que les convictions justes
ont été perdues et qu’on eut cessé d’attendre la venue du Seigneur,
il en est résulté, outre la prétention à une fausse position
(ce que nous venons de voir),
la communion
avec le mauvais côté,
ce qui était presque inévitable :
« il mange et boit avec les ivrognes ».
Il n’est pas dit que le méchant esclave
est ivre lui-même, mais il a communion
avec ceux qui sont dans cet état.
La communion avec le monde :
c’est la troisième caractéristique du méchant esclave.
« Ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit »
1 Thes 5:7
nous voyons ainsi
que la communion avec le monde se traduit
par une communion avec les ténèbres.
Les « enfants de lumière »
sont donc exhortés :
« N’ayez rien de commun
avec les œuvres infructueuses des ténèbres,
mais plutôt reprenez-les aussi ;
car les choses qu’ils font en secret,
il est honteux même de les dire »
Éph 5:11, 12
Car si on s’associe
avec le monde et ses principes, comment
pourra-t-on le reprendre ?
Manger et boire
expriment la communion,
que ce soit avec le bien ou avec le mal —
un principe dont on retrouve la confirmation
dans d’autres passages
1 Co 5:11 ;
10:17-22
Bien que le méchant esclav
e ne soit pas ivre, comme nous l’avons remarqué
, le Seigneur le voit quand même uni
avec ceux qui le sont.
Pourquoi ?
Parce qu’il « mange et boit » avec eux.
Il ne faut pas forcément faire le mal
soi-même pour être en communion avec lui.
Il suffit souvent d’une participation extérieure.
Le Seigneur la juge comme une identification,
une assimilation avec le mal.
La seule salutation normale
peut faire participer aux « mauvaises œuvres »
d’un faux docteur
2 Jean 11
C’est la manière
de voir de Dieu, et combien peu les enfants
de Dieu la comprennent aujourd’hui !
Sinon ils éviteraient et abandonneraient
plutôt les relations mauvaises par lesquelles
Il est déshonoré.
« Les mauvaises compagnies
corrompent les bonnes mœurs »
1 Co 15:33
Au lieu de servir le Seigneur,
le méchant esclave s’engage avec le monde,
et s’unit à ses voies et ses principes
. Aussi, le moment venu, il sera
traité comme lui.
2.2.5 La fin de l’« hypocrite »
« Le maître
de cet esclave-là viendra ».
Il ne faut pas confondre
la venue du verset 50 avec celle du verset 46
. L’esclave fidèle et prudent
vit dans l’attente du retour de son Maître.
Tout son service s’accomplit
en vue de ce moment désiré ardemment
depuis longtemps.
Mais pour le méchant esclave,
la venue du Maître est quelque chose d’inattendu
autant que non désiré.
Il établira l’esclave fidèle sur tous Ses biens,
tandis que le méchant esclave sera coupé
en deux et recevra sa part avec
les hypocrites.
Ainsi la venue du Seigneu
r porte un caractère totalement différent dans les deux cas
. C’est pour le monde qu’Il vient
« comme un voleur dans la nuit »
1 Thessaloniciens 5:2, 3 ;
voir aussi 2 Pierre 3:10 ;
Ap 3:3 ; 16:15
mais non pas pour les Siens.
Nous apprenons
plus tard, en particulier par
les épîtres de Paul aux Thessaloniciens,
qu’il s’agit de deux actes différents
et de deux moments différents
de Sa venue.
Mais au moment où parlait le Seigneur
, la vérité de l’enlèvement des Saints n’avait pas encore été révélée.
Les paroles du Seigneur ici en indiquent
cependant déjà le chemin.
Il est très heureux
de le voir.
Le sort du
méchant esclave
est d’autant plus solennel
. Il sera
« coupé en deux » — avec une « scie »
bien plus terrible que celle
avec laquelle David « scia » les fils d’Ammon
1 Chroniques 20:3
. Et comme le méchant
esclave est un hypocrite — il prétendait servir le Seigneur,
mais ne l’a pas fait, — c’est pour cela que
le Seigneur lui donnera là sa part :
avec les hypocrites.
Arrivé là,
le Seigneur abandonne
le langage en parabole, et se met
à parler directement,
littéralement
. Il en est de même
quand Il décrit plus en détail
cette « part avec les hypocrites » :
« Là seront les pleurs et les grincements de dents ».
Nous retrouvons cet abandon subit du langage
en parabole à la fin de plusieurs paraboles,
et cela souligne l’immense portée
et les lourdes
conséquences de ce que
le Seigneur place sur les cœurs.
Quand on compare
entre eux les passages où le Seigneur utilise
cette expression solennelle
« les pleurs et les grincements de dents »
Mat 8:12 ; 13:42, 50 ; 22:13 ;
25:30 ; Luc 13:28
il apparaît clairement qu’Il parle
toujours d’un jugement éternel dans
le lieu de tourments.
C’est l’enfer, la seconde mort,
la séparation éternelle
d’avec Dieu.
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