Tout
le monde
sait ça : je veux
dire, parmi les
chrétiens.
C'est la banalité même. Et pourtant,
j'ai dit et je répète : cet parole
est peu entendue. Du moins,
je le crains. Du moins,
c'est le cas de trop
de gens que j'ai
connus.
Et
quels gens!
Dévoués, engagés,
consacrés, vraiment et par
le plus sérieux
d'eux-mêmes.
Cette parole n'est pas entendue de la
bonne oreille, cette oreille qui entend la
parole à la jointure de l'être, là où
sont les enjeux absolus, la vie
et la mort, la folie et le sens,
la damnation ou la
liberté. Cette
oreille
que
devait
bien avoir
le paralytique,
quand le jeune rabbi
lui disait: « Lève toi et marche »,
ou Zachée tout heureux
quand il lui disait:
« Le bonheur
est entré
dans
cette maison. »
Oui, j'ai connu, je
connais des gens croyants,
dévoués, sincères – je voudrais
bien être aussi vertueux qu'ils le sont –
et pour qui cette parole qu'ils savent,
qu'ils disent, qu'ils enseignent, est
comme murée dans un
incroyable
silence.
La
preuve:
leur tristesse.
Leur tristesse secrète,
par-dessous la joie obligatoire,
le bel entrain de la volonté, la bonne figure
qu'ils font en toute
circonstance.
Ou, en
d'autres cas (ou les
mêmes à d'autres
moments ?)
leur
épouvantable
tristesse étalée,
irrésistible.D’où vient-elle,
cette idée que nous devons mériter
l’amour ? Qu’il faut d’abord nous
montrer dignes et qu’ensuite,
ensuite seulement, nous
serons aimés ?
Dire
qu’
elle vient
du christianisme
est assez étrange,puisque
la foi chrétienne commence précisément par
mettre fin à cette idée-là ! Ou est-ce
qu'il y aurait, chez les chrétiens
et dans leur foi même,
quelque chose
qui
irait à
contresens ?
Mais encore, d'où
vient le contresens ? Peut-être,
sans doute, d'une tentation très profonde,
celle d’Adam et d'Ève au jardin, celle du
Christ au désert, quand l’Ennemi –
le menteur-meurtrier à
l'origine –
use
de la parole
de Dieu pour prendre
l'homme au piège de la mort.
«Dieu n’a-t-il pas dit... ?» Dieu n'a-t-il
pas dit en effet, et par Jésus lui-même,
que nous devions obéir aux commandements,
être parfaits comme notre Père est
parfait, dépasser la justice des
Pharisiens en nettoyant à
fond le dedans de la
coupe et du plat ?
«On vous
a dit... moi je
vous
dis... »
Mais ces
paroles, on ne
peut les entendre qu'à
entendre en elles, comme
tout à fait premier, l'amour du
Père qui veut notre vie
– et rien
d'autre ...
Toutefois, le
redoutable contresens peut trouver
appui, ou se cristalliser, dans une
certaine idée qu'on se fait du
bien, de la perfection,
de la sainteté.
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