Il
est difficile
de dire ce qu’est la
prière. Cela ne suffit pas,
pourtant, à la ranger définitivement
dans le grenier des choses ineffables où
tout est organisé selon le secret des souvenirs du coeur,
dans la trame d’une intuition qui échappe à tout discours.
S’il est vrai qu’elle est irréductible à une définition
purement intellectuelle, ce n’est pas pour autant
que nous sommes autorisés à nous réfugier
derrière le « mystère -», paravent
de la paresse ou de l’ignorance
dont les chrétiens ont
parfois abusé
afin de se
protéger
des
questions
indiscrètes venues
du dehors ou surgies du dedans.
Qu’on s’y adonne ou non, qu’elle soit éprouvée
comme bienfaisante ou ridicule, la prière évoque, pour
tous, ce temps d’arrêt qui permettrait la
« mise en présence » de Dieu.
Lorsque à l’orant on
pose la
question :
« Pourquoi pries-tu ? »
il répond qu’il en a besoin
pour vivre, pour alimenter sa foi, etc.
Interrogé sur l’oraison, celui qui ne prie pas
rétorque : « Je n’en ai pas besoin pour … »
Dans les deux cas, la réponse a le
goût du besoin. Si la question
posée amorce
une
conversation,
il est loin d’être rare
que l’orant découvre qu’il n’est
pas vrai de dire qu’il a besoin de prier
et que l’étranger, au contraire, reconnaisse
qu’en des temps dramatiques ou privilégiés il en
ressent comme le besoin. C’est à ce besoin
paradoxal qui ne manque pas d’être
évoqué dès qu’est abordé
le problème de
la prière
que nous avons
prêté l’oreille. C’est lui
qui servira de point de départ à notre réflexion..
Que signifie la constante référence au besoin quand
il s’agit de la prière ? Qu’est-ce que le besoin ?
Parler de besoin implique la
nécessaire recherche
d’un objet
ordonné
à une satisfaction
qui survient quand la consommation
de l’objet entraîne la cessation, voire la
disparition de la tension. L’assimilation au corps
de substances qui lui sont étrangères est nécessaire
à sa vie, à sa permanence. C’est à ce besoin
élémentaire d’assimilation que le
psalmiste, parlant de la prière
nous renvoie.
« Mon âme
a soif
de Dieu «
chante-t-il, et, sans lui,
« elle défaille (Ps. 42,7) »
La prière naîtrait donc de ce que
quelque chose d’essentiel nous manque.
La soif est impérieuse. Qui ne l’étanche pas expose
son être même à la désorganisation et à la mort.
L’homme ne peut se saisir, dans son corps,
comme être vivant que s’il satisfait
à ses besoins. S’il est mis
dans l’impossibilité
de le faire
s’il
manque d’air
ou d’eau , apparaît
l’angoisse d’une dislocation
mortelle qui le rend à l’inorganique,
à ce qui n’est pas la vie, à l’en-deçà de
la vie. Alors éclate sa lamentation :« Je suis
comme l’eau qui s’écoule et tous mes
os se disloquent, mon coeur
est pareil à la cire, il fond
au milieu de mes
viscères
Ps. 22,15 »
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