Ainsi
en va-t-il du
nourrisson abandonné.
Les médecins disent qu’il
se déshydrate : l’eau fuit de ses tissus.
Quand n’est plus assumée la transformation
besogneuse qui caractérise la vie organique il s’opère
une réduction à l’infra-biologique.
Chez l’homme, le besoin
est constamment
médiatisé
par
l’expression
qu’il en donne : l’enfant
s’agite et crie quand il a faim,
l’adulte demande ce dont il a besoin en
l’articulant dans un
langage.
« A
l’état pur,
simple abstraction -
écrit S. Leclaire -, le besoin,
c’est le besoin de sel, de sucre
d’oxygène ou de sels alcalins, qui ne
s’articulent, entre eux, comme tels, qu’au niveau de
l’éprouvette. En un mot, on pourrait dire que le
besoin vise l’objet et s’en satisfait.
Que le pur besoin ne se
formule pas,
qu’il se
constate
expérimentalement,
qu’il vise un objet spécifique
et s’en satisfasse,
c’est bien
ce qui
le distingue
radicalement de la
demande. Cela dit, il est
bien certain que le besoin n’existant
jamais à l’état pur, nous le rencontrerons
toujours déjà marqué du signe du langage qui
l’exprime, à travers la demande et jusque
dans le désir. Ce que nous
voyons pratiquement
c’est le besoin
en tant
que
le sujet essaie
de s’en accommoder
pour l’éviter ou le maîtriser »
Si le besoin en tant que tel supporte d’être
un temps différé, on ne saurait cependant jamais
totalement y renoncer. Mais, dès qu’il est satisfait,
l’incoercible besoin s’éteint. De sorte que ni
l’objet qui est consommé, ni le besoin
qui s’annule ne survivent
à la satisfaction.
Le
besoin
meurt et renait
sans cesse, il se répète
indéfiniment. Cette répétition constitue
le phénomène premier de toute vie. C’est parce
que la mère s’offre à la satisfaction de tous
les besoins de l’enfant qu’elle est, pour
lui, l’objet primordial. Elle est
d’abord cet objet
apaisant la
douleur
de
la tension,
elle est aussi autre chose :
En la consommant, l’enfant ne la
fait pas disparaître. Déjà apparaît ce qui, dans
la sexualité, sera vécu en clair : la consommation de l’acte
révèle l’autre dans sa persistance, Autre. Mais
ce n’est que dans le jeu rythmé de
l’apparition et de la disparition
d’une tension aussi
bien que de
son
objet
spécifique
que l’on est en
droit de parler de besoin
Que dit-on, dès lors, lorsqu’on dit de
la prière qu’elle est un besoin ? L’objet
de la tension de celui qui prie serait
Dieu dont la consommation
procurerait l’apaisement
nécessaire
à la
poursuite de la vie.
Il nous faudrait prier Dieu pour
vivre en homme de la même façon qu’il
nous faut manger pour vivre.
C’est cet objet
privilégié ,
Dieu ,
que nous recherchons
dans le temps, l’espace ou dans le
fouillis de nos connaissances. Lorsque l’Evangile
affirme que « homme ne vit pas seulement de pain » (Mt. 4,4)
cela revient à dire que pour vivre en homme, il ne suffit
pas à l’homme de vivre. Le pain en tant
qu’objet nécessaire à la vie
ne rendrait pas compte
de tous les besoins
de l’homme
Si cela
est
vrai,
force nous
est de trouver un objet
dont la nécessité structurante
différencie, l’homme de tous les autres vivants.
La parole du Christ peut alors se traduire
ainsi : « L’homme n’a pas seulement
besoin de pain, il a aussi
besoin de
Dieu »
. Nous
imaginons Dieu
sur le mode de l’objet dont
la consommation apaise. Dès lors, prier
Dieu, se mettre en sa présence,
c’est effectivement
faire de Lui
un objet
en
fonction
du besoin que
nous en avons. Ce faisant,
nous confondons la vie et le nécessaire
besoin qui l’entretient, avec l’homme vivant qui, bien
que vivant, n’est pas seulement la vie. Il nous arrive
ainsi de concevoir l’objet qui spécifierait notre
vie d’homme sur le modèle des objets
qui nous permettent
de vivre
+++
commentaires