Henri
Meschonnic
attire l’attention
sur ce qui serait selon
lui, une différence marquante
dans la compréhension du texte
hébreu de Psaume 22,2 :
éli éli lama cazavtani.
On le traduit le plus
souvent ainsi :
Mon Dieu,
mon
Dieu,
pourquoi
m’as-tu abandonné ?,
mais Meschonnic lit autrement
le mot lama : non "pourquoi ?", mais
"à quoi ?", à la suite d’une subtile
discussion portant sur la place
de l’accent tonique noté
pour ce mot par les
Massorètes :
lamá
(vers quoi, à quoi ?)
et non láma
(pourquoi ?).
Selon
lui, il faudrait
donc comprendre ainsi
le texte hébreu : Mon Dieu
mon Dieu / à quoi m’as-tu abandonné,
à la différence du texte grec de
la Septante suivi
littéralement
par
Matthieu
lorsqu’il traduit
en grec l’araméen de
Jésus sur la croix (léma
sabakhthani, Mat. 27.46),
de même que par Jérôme et
finalement par la quasi totalité
des versions modernes. Pour elles,
affirme Meschonnic, c'est toujours :
pourquoi m'as‑tu abandonné ?,
un pourquoi de plainte,
d'incompréhension.
Pour lui, le
sens
de
l’hébreu
n'est donc pas
"pour quelle raison ?"
mais "dans quel dessein ?",
ce qui changerait considérablement,
à son sens, la portée de cette phrase
fameuse dans l'expression par rapport
au divin Et ce changement aussi
capital que peu aperçu repose
sur un déplacement
d’accent d’une
syllabe sur
un petit
mot
,,,
C’est
ce qu’on
appelle
en linguistique
un schibboleth
Un schibboleth,
en hébreu est une phrase
ou un mot avec un accent spécifique
qui ne peut être utilisé – ou
prononcé – correctement que
par les membres d'un groupe. Il
révèle l'appartenance d'une
personne à un groupe :
national, social,
professionnel
ou
autre.
Autrement
dit, un schibboleth
représente un
signe de
reconnaissance
verbal non
écrit
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