Qui est
mon prochain ?
Une question qui ne perd pas
de son actualité !! …
…tout comme
la
parabole
même du Bon Samaritain,
qui à travers les âges, interroge
tout chrétien désireux de
traduire l’enseignement
de Jésus dans
sa propre vie.
Preuve
en est notamment
le nombre important
d’illustrations, de gravures, de
tableaux de maîtres ... qui
interprètent le sujet
de diverses
manières.
Une des
représentations
les plus touchantes
est sans doute la version
de Vincent Van Gogh (1890).
En reproduisant une
oeuvre
d’Eugène Delacroix
(qu’il n’a probablement vue
que sous forme de
gravure noir
et blanc)
Van Gogh met
dans cette toile tout
son vécu, toute sa souffrance,
toute son affection pour l’humanité.
En relisant la biographie de l’artiste
on reconnaît en lui tant le côté
« Samaritain » que celui
de la victime qui a besoin
d’être secourue.
Lassé
par les études
théologiques qui lui
semblent inutiles et abstraites,
face à la souffrance des pauvres,
il part comme prédicateur dans le Borinage
en Belgique. En partageant la condition
humaine des plus pauvres, le jeune
Van Gogh est persuadé d’aider
au mieux ces gens
totalement
démunis.
En
quittant
plus tard sa
vocation de prédicateur
pour se tourner définitivement
vers la peinture, l’artiste n’abandonne
pas pour autant sa spiritualité
sa foi et la Bible restent
des repères constants
dans sa vie.
« La
peinture
est une démarche
pour aller de l’ombre
à la lumière »
écrit
Vincent lui-même
dans une de ses précieuses
lettres à Théo son frère, une démarche
proche de celle de la
prière ou de la
méditation.
Dans
le tableau
du Bon Samaritain,
un subtil jeu de couleurs chaudes
et froides disposées en
diagonale
divise la
toile
en deux parties.
Le Samaritain baigne
dans des couleurs jaunes
lumineuses et chaleureuses si chères
à Van Gogh, tandis que le fond
de la toile se compose de
couleurs froides peu
accueillantes.
La lumière
qui
émane du
Samaritain a déjà été
transmise à l’homme blessé qui,
sous nos yeux, recouvre tout
doucement la vie -
l’artiste
matérialise
de façon émouvante
la transmission de l’amour qui
donne vie.
Ce jeu
de couleurs,
la fougue des traits,
la force inébranlable du
Samaritain qui met tout son amour
au service de l’inconnu traduisent
parfaitement les sentiments du peintre
qui est à la recherche de consolation
mais est aussi plein d’amour
et de générosité.
Les sujets
religieux
à vrai
dire
sont rares ;
à côté du Bon
Samaritain, on connaît la
résurrection de Lazare et la Piéta.
Ce n’est sans doute pas un hasard si
toutes ces œuvres sont
inspirées de grands
artistes comme
Rembrandt
ou
encore
Delacroix
et qu’il les a
réalisées à l’asile de Saint Rémy
quelques mois avant sa mort. Van Gogh
hésitait à toucher au sacré par appréhension
de représenter de façon
forcément imparfaite
le divin.
« J’ai
gratté
une étude peinte,
un jardin des oliviers,
avec une figure du Christ bleue
et orangée, un ange jaune…
parce que je me suis
dit qu’il ne faut pas
faire des figures
de cette portée
sans modèle »
(lettre
juin
1888 à Théo).
Malgré
son hésitation
à toucher au Sacré,
il trouve dans la peinture religieuse
une consolation en cette période de sa vie.
« …étant malade, je cherche
à faire quelque chose pour
me consoler,
pour
mon
propre plaisir… »
ou encore,
« ..dans le souffrance
même, quelques fois des pensées
religieuses me consolent
beaucoup.. »
« Tout ce
qui est véritablement
bon et beau, de beauté intérieure
morale, spirituelle et sublime dans les hommes
et dans leurs œuvres, je pense que cela
vient de Dieu et que tout ce
qu’il y a de mauvais et de
méchant dans les
œuvres
des hommes et dans
les hommes, cela n’est pas
de Dieu et Dieu ne trouve pas
cela bien non plus. »
« Cherchez
à comprendre
le dernier mot de ce que
disent dans leurs chefs-d’œuvre
les grands artistes, les maîtres sérieux,
il y aura Dieu là-dedans. Tel l’a écrit
ou dit dans un livre, et tel
dans un tableau. »
« Puis lisez
la Bible tout bonnement,
et l’Évangile, c’est que cela donne
à penser et beaucoup à penser,
et tout à penser.
Hé bien,
pensez ce
beaucoup, pensez
ce tout, cela relève la
pensée au-dessus du niveau
ordinaire, malgré vous. Puisque
l’on sait lire, qu’on
lise donc ! »
Le Christ
seul a affirmé
comme certitude principale
la vie éternelle, l’infini du temps,
le néant de la mort, la nécessité et
la raison d’être de la sérénité
et du dévouement.
Il a vécu
sereinement,
en artiste plus grand
que tous les artistes, dédaignant
et le marbre et l’argile et la couleur,
travaillant en chair vivante.
C’est-à-dire que cet artiste
inouï et à peine
concevable,
avec l’instrument
obtus de nos cerveaux
modernes nerveux et abrutis,
ne faisait pas de statues, ni de tableaux
ni de livres : il l’affirme hautement, il
faisait...
des hommes vivants, des immortels.
C’est grave ça, surtout parce
que c’est la vérité.
Ce grand
artiste n’a pas
non plus fait de livres ;
la littérature chrétienne, certes,
dans son ensemble, l’indignerait,
et bien rare sont dans celle-là
les produits littéraires qui,
à côté de l’Évangile
de Luc,
des épîtres de Paul –
si simples dans leur forme
dure et guerrière – puissent trouver grâce.
Ce grand artiste – le Christ –
s’il dédaignait d’écrire
des livres sur les
idées
a certes
bien moins dédaigné
la parole parlée , la Parabole
surtout.
Ces
considérations
nous mènent bien loin, bien
loin ; nous élevant au-dessus de l’art même.
Elles nous font entrevoir l’art
de faire la vie,l’art
d’être
immortel-vivant.
Elles ont des rapports
avec la
peinture.
Je
ne crois
pas que ma folie serait
celle de la persécution, puisque mes
sentiments à l’état d’exaltation donnent
plutôt dans les préoccupations
d’éternité et de vie
éternelle.
Il faut
une certaine
dose d’inspiration, de rayon
d’en haut, qui n’est pas à nous pour
faire les belles
choses.