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2010-11-19T08:25:00+01:00

saisi aux entrailles (3 )

Publié par sulamite -

 

 

 

 

 

 

 

Si

« la pierre

de touche pour

l’authenticité du compatir

est sa capacité à faire avancer les

partenaires vers la vérité de leur propre vie

et de leur relation», il ne s’agit pas de se noyer dans

la souffrance d’autrui. Il s’agit d’être suffisamment

différencié pour ne pas confondre sa propre

souffrance avec celle de l’autre.

Prenons maintenant

la parabole dite

du fils

prodigue.

Ce serait la parabole

de l’engloutissement si le père

se noyait dans le malheur du fils cadet.

Rétrospectivement, il dit que son fils « était mort »

alors que personne ne le lui avait annoncé…

et pour cause ! Ne parle-t-il pas de

sa propre expérience ?

Quand son fils

avait

disparu,

lui-même était

comme « mort »puisque

la relation était morte. Englouti

dans le malheur du fils, comment aurait-il vécu la

compassion qui, elle, suppose la

différenciation et

l’acceptation

qu’on ne

peut pas éviter

à autrui de souffrir ?

Le texte reflète bien cette distance

indispensable à l’authentique compassion :

le fils était« parti loin de… au loin »

(Lc 15, 13) et à son retour

le père le « voit »

alors qu’il

est

encore « au

loin, à distance » (v. 20).

Là aussi, la compassion fait irruption

comme un regard neuf sur autrui :

« Il le vit et fut ému

aux entrailles »

(v. 20)…

Parce qu’il ne

fusionnait plus avec lui

, il le vit comme pour la première fois :

il vit un autre aussi démuni que lui-même,

en demande criante de relation. C’est l’histoire

d’un père « devenu le prochain » de son fils.

Une fois de plus, la compassion est

allergique à l’argumentation :

c’est le corps du

père

qui parle de

cette proximité

devenue inoffensive,

par des gestes de tendresse

tout à fait inhabituels pour l’époque.

On dirait que plus le temps passe, plus le père

déborde de vie relationnelle, prenant

de mieux en mieux conscience

de la « mort »

qu’il a

lui-même

traversée :

« [mon fils] a repris vie »,

dit-il au verset24, et un peu plus tard,

« il est venu à la vie » (v. 32)… comme s’il n’avait jamais vécu !

N’est-ce pas son propre regard, tout neuf,

qui lui fait voir à quel point lui-même

n’avait jamais vécu non

plus, au sein de

cette

famille

où l’on ne communiquait pas ?

C’est dans cette parabole que le rapport

entre la compassion et la joie est le plus évident.

Peut-être parce que cet « être humain, un père »

est allé jusqu’au bout de sa « mort »,

a intégré tout son vécu de rejet,

d’exclusion, de mort

relationnelle

et que

n’ayant plus rien

à perdre, il n’est plus

menacé d’engloutissement devant

la souffrance de ses fils. Il a tout perdu

et il voit bien qu’il n’en est pas mort.

À quoi le voit-il ? À sa

capacité

d’être

« ému aux entrailles »

. Rien de tel pour s’assurer qu’on est

bien vivant malgré tout ! On est devenu capable

de vibrer à autrui sans être englouti

dans son malheur ou sa

méchanceté…

qui lui appartiennent.

« Celui-ci, mon fils, était mort » (v. 24) :

c’est d’abord « celui-ci », un individu différencié,

une personne à part entière et ensuite

, c’est « mon fils », nous avons

un lien particulier.

Même

accent sur

la différenciation

d’une part, et le lien d’autre part,

au verset 31, quand le père dit à son fils aîné :

« toi, tu es toujours avec moi » — toi et moi, deux personnes

clairement différenciées… et entre

nous deux,le « avec » qui dit

le lien de la com-passion.

Dans aucun cas,

il n’est

question

d’une fusion affective

ou d’une identification quelconque

avec autrui ».Obstacle à la compassion,

la peur de l’engloutissement

est souvent alimentée

par le

comportement

pervers d’autrui. C’est vieux comme

le monde : autrui se montre gentil,

suscite ma compassion…

et en profite

pour

prendre le dessus.

Telle est l’interprétation

que donnent les

rabbins de

Gn 4,8

« et Caïn se leva… » :

dans l’affrontement des deux

frères, Abel avait mis Caïnà terre.

Celui-ci évoqua la douleur de leur père

au cas où Abel le tuerait. Abel, pris de compassion,

relâcha son étreinte et Caïn en profita pour « se lever »

et le tuer Là aussi, il s’agit de ne pas mettre

la charrue avant les boeufs : tant qu’on

se laisse manipuler, c’est qu’on n’est

pas encore clairement

différencié.

La

tâche

première est

le passage de « l’épée »

de Christ qui nous fait accéder à notre identité

indestructible — espace de grande solitude,

loin de toute confusion

menaçante.

Assurés

sur ce roc, nous

ne cherchons plus à plaire,

à être « gentils », à nous conformer à autrui.

Alors l’authentique compassion peut venir, mais cela

n’est pas dans nos mains… Parmi les indices

de cette fusion : l’absence totale

de dialogue entre le père

et le fils jusque-là,

et la souffrance

du

fils aîné

lié à son père comme

un « esclave »Le mystère du fils reste entier :

« La conscience qu’en tant qu’hommes finis nous ne

pouvons pas voir exactement ce qui se passe

dans l’âme des autres est inhérente

et essentiellement inhérente

à toute sympathie »

°°°°

 

 


 

 

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