Être
ému aux entrailles
comme le père de Lc 15,
c’est naître à la Vie en ayant assumé
sa propre mort et son incapacité
à sauver autrui
C’est
sortir de
sa propre souffrance
et, sans même y prendre garde,
re-susciter autrui dans le même mouvement.
Compassion et résurrection,indissociables en Lc 7, 11-17
quand Jésus re-suscite un fils unique, à Naïn
Là encore, lui-même est clairement
différencié : le cortège de vie dans
lequel il se trouve croise le
cortège de mort
la réalité n’est
pas
édulcorée :
en face de lui, « un mort »
et une mère qui, elle, n’est désignée
qu’en fonction de la mort de son mari (une « veuve ») —
doublement enfermée dans la mort.
Jésus, « la voyant, est ému
aux entrailles ».
S’il la « voit »,
c’est que lui-même n’est pas
noyé-fusionné avec ce « fils unique »
mort, quand bien même il fait route vers Jérusalem
, donc vers sa propre mort. Il n’est pas noyé
non plus dans la douleur de sa propre
mère par anticipation.
Ni peur
de
l’engloutissement
ni peur de la proximité :
il « touche la civière » et s’il peut
« réveiller » le jeune homme, c’est que lui-même l’est
« un prophète, dira la foule, s’est réveillé
parmi nous » (v. 16).
C’est
chaque fois
le verbe egeirô,
qui avec anistèmi est l’un des
deux verbes utilisés par le Nouveau Testament
pour dire la résurrection de Jésus.
Mais on peut se demander s’il
ne « réveille » pas
également
la mère :
en effet, quand
il « touche la civière », le
mot utilisé [sophos] signifie « urne », « cercueil »,
« civière », mais aussi… « vieille femme
décrépite » La compassion
n’est-elle pas
essentiellement
un toucher de l’âme qui
s’efface aussitôt pour laisser l’Autre,
la Source de la compassion, faire du neuf ?
Ici, une mère devait être défusionnée
de ce fils sans existence propre,
contraint d’occuper la place
du père mort
« fils
unique pour elle »
(v. 12) : en effet, le voilà qui
« commence à parler » (v. 15), comme
s’il n’avait jamais pu jusque là prendre la parole !
L’autre, le Tiers à l’origine de toute vie a fait irruption
dans une relation duelle mortifère : « Jésus le donna à sa mère »,
et non « le rendit à sa mère »comme on traduit trop souvent.
C’est que pour la première fois, elle reçoit son fils
de Dieu,comme un cadeau, ce qui laisse
présager une relation gratuite entre
ces deux êtres désormais
différenciés
hors dette
et hors confusion.
Compassion et résurrection…
Comment ne pas penser aux paroles de Jésus
sur la croix à l’adresse de sa mère et de son
disciple Jean ? « Femme,voici ton fils !
Fils, voici ta mère ! »
Jn 19, 26
°°°
commentaires