Je vous propose
ce matin de nous arrêter ensemble
sur le silence de Dieu dans notre vie
et parfois dans nos
communautés.
Mais avant de parler
du silence, que les choses soient très claires pour nous :
je crois et nous croyons tous, nous le confessons,
le christianisme est la religion de la Parole.
Je crois que Dieu parle en Jésus ;
par son Esprit, il nous parle.
Je crois que la Bible est la Parole de Dieu,
je crois que Dieu guide son peuple par sa Parole.
Nous écoutons la Parole et
nous la recevons.
Mais en même temps,
nous devons aussi admettre que,
tout aussi important, est le temps qui est donné
pour les silences de Dieu.
Ces silences sont présents dans la Bible,
dans la vie du peuple d'Israël, dans notre vie.
Parole et silence, non pas du tout
comme ombre et lumière, mais comme un pointillé-un espace,
un pointillé-un espace, tracent la ligne
de notre relation à Dieu.
En hébreu, la parole,
davar, signifie aussi
action.
Je pense à Siméon,
ce vieillard sur le parvis du Temple,
qui voit ce petit enfant de huit jours qui
ne sait pas encore parler
( « enfant » vient du latin infans
qui veut dire «sans parole » )
Et Siméon
reconnaît dans ce « sans parole »
la Parole de Dieu.
Que connaissons-nous en fait de la vie
de cet enfant, du « sans parole »
qui est la Parole de Dieu ?
En tout, guère plus de vingt et une journées.
C’est peu sur trente-trois ans !
Et encore, de ces vingt et une journées,
nous ne connaissons pas tout,
sauf peut-être, et encore,
pour les huit dernières.
Mais combien de
silences pour combien de paroles ?
Jésus «parlait», certes,
mais c’est parfois par ses silences qu’il
obligeait les gens à avancer.
Le silence se définit généralement
comme le fait de ne rien dire, de ne rien exprimer,
ou de ne rien écrire.
D’où l’amalgame trop rapide :
silence égale absence.
Sartre le disait :
Dieu se tait, donc il n’existe pas.
Lorsque nous témoignons,
nous sommes souvent confrontés
en premier lieu à cette question :
« Pourquoi Dieu reste-t-il
dans le silence ? »
Ce serait tellement
plus simple si Dieu faisait de temps en temps une
conférence de presse !
Il dirait : « Eh bien, voilà comment je vois
les problèmes au Kosovo, ou en Irlande, voilà comment
je vois les problèmes économiques
dans telle région, je vais vous expliquer... »
(Remarquez, Dieu ne le fait pas,
mais on trouve toujours quelqu'un
pour le faire à sa place !)
Pourquoi tant d’injustice ?
Pourquoi Dieu garde-t-il le silence ?
Face à ces questions,
nous essayons d’éviter notre conflit intérieur
en trouvant des raisonnements
de notre cru.
Mais quand on interroge la Bible
de plus près sur le silence,
il apparaît clairement trois grandes familles
de termes autour de ce mot.
Trois familles de mots en hébreu,
qui évoquent trois silences,
et que nous devons bien situer
dans notre combat intérieur face
aux silences de Dieu.
La première famille
du mot silence
concerne particulièrement,
avant la venue de Jésus, le silence lié à la mort.
Avant la venue de Jésus,
la mort est présentée comme un lieu de silence.
Le séjour des morts est un lieu de silence
. Le Shéol,
voyez le Psaume 6 par exemple,
c’est le lieu du silence.
Beaucoup d’images sont données ici :
descendre au séjour des morts,
c’est descendre dans un lieu de silence.
Descendre vers le rien, le néant.
Un lieu de silence
négatif.
Tout au long des siècles,
et aujourd’hui encore,
l’homme a inventé toutes sortes de subterfuges
pour tenter de remplir ce silence insupportable.
De la réincarnation en passant
par le Nouvel Age,
afin d'éviter la confrontation à ce silence
qui nous angoisse.
Silence existentiel peut-être ?
L’homme en tout cas
invente beaucoup de bruits pour remplir ses silences,
beaucoup de rites.
La même notion se trouve aussi dans le Psaume 22,
dans cette parole qui annonce prophétiquement
celle de Jésus sur la croix :
Mon Dieu, mon Dieu !
pourquoi m’as-tu abandonné
et t’éloignes-tu de moi sans me secourir,
sans écouter ma plainte — pourquoi ton silence ?
Mon Dieu, je crie et tu ne
réponds pas...
Pour nous
qui sommes chrétiens,
depuis que Jésus est venu, qu'il est mort et ressuscité,
ce lieu n’est plus un lieu de silence.
Il est désormais habité par la Parole de Dieu,
par Jésus lui-même.
Mourir, ce n’est plus pour moi descendre
dans un lieu de silence, c’est aller vers la Parole de Dieu.
C’est rencontrer Jésus.
Et nous pouvons dire :
nous savons où nous allons,
nous allons vers la maison du Père,
lieu habité par sa Parole.
Si ce silence était angoissant
pour les hommes de l’Antiquité, pour le chrétien
c’est un problème qui est résolu.
Il n’y a plus de silence de Dieu dans l’au-delà.
Jésus habite ce lieu et m’attend.
J’espère que cela est clair pour chacun
d’entre nous, ce silence est habité
par le Seigneur.
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