Après
la position de
l’écoute, voici le geste
de la prière, supplication quand
par exemple Jaïrus tombe aux pied de Jésus
pour le prier de venir guérir sa petite fille
qui est mourante. Jaïrus, chef
de la synagogue,
reconnaît
par ce
mouvement
à la fois son impuissance
et la puissance de celui qui est plus
grand que lui. La même impérieuse raison
, la maladie de son enfant jette aux pieds
de Jésus une femme
syro-phénicienne,
qui se
tourne vers
celui qui guérit a-t-elle
entendu dire. Elle l’étrangère, la païenne
est portée par une telle détermination qu’elle n’hésitera
pas, déjà toute courbée dans la poussière, à se
comparer à un petit chien afin que
Jésus accepte de guérir
son enfant.
Et les
femmes au matin
de Pâques, selon l’évangile de
Matthieu, saisissent les pieds du Ressuscité lorsqu’il
leur apparaît, en se prosternant devant lui, geste
de joie autant que de crainte devant
ce Vivant qu’elles ont vu mourir
sur une croix deux
jours plus tôt.
Dans
l’évangile de Luc
, une femme vient interrompre
le repas auquel Jésus a été convié par le
pharisien Simon. Elle pleure tant que les pieds de Jésus
sont trempés de ses larmes. Alors elle les essuie avec
ses cheveux avant de les embrasser et de les
oindre de parfum. Larmes, chevelure,
parfum, tous ces éléments
d’intimité
déposés aux pieds de
Jésus dans un élan ou se mêlent
amour, reconnaissance, supplication, et
offrande tissent la trame d’un bouleversement
qui vient saisir non seulement les témoins
de la scène, mais chaque lecteur
du récit qui voudrait
devenir peintre,
poète ou musicien
pour exprimer le sentiment
de l’essentiel qui est là, dans cet
être entièrement rassemblé, délivré, abandonné
aux pieds de Jésus qui lui seul peut donner,
délivrer une parole de vie,
de paix, de
salut.
Aux pieds
de Jésus, on vient
chercher et recevoir le salut,
le pardon, la paix, dans cette confiance
parfois brute qui est toujours le cœur de la foi.
Au plus près de cette terre que Dieu est venu rejoindre
en Jésus de Nazareth, là où il se tient sur la terre, lui le
Seigneur et Sauveur, au lieu même de cette présence,
de cette proximité inouïe, la confiance se glisse,
se pose, se verse, se crie. Ce n’est pas le
moindre des paradoxes des pieds
que d’assurer d’une part
la stabilité, la
solidité
du corps humain
et d’autre part, de susciter
un bouleversement, un trouble par
l’intensité des relations qui se révèlent
par leur intermédiaire .Ainsi, pour finir ce parcours,
ce geste de Jésus vers les pieds de ses disciples
. Cette fois, c’est lui, le Seigneur qui se baisse,
se courbe, lave et essuie les pieds de ceux
qui le suivent souvent en tâtonnant,
en trébuchant, en hésitant. C’est
devant ces pieds-là
que le Seigneur
s’incline
pour les rafraîchir,
les délasser, en prendre soin :
c’est tout cela laver les pieds de quelqu’un
C’est aussi l’honorer. Cette fois, c’est Jésus qui honore,
c’est lui, qui dans le même geste où il assure un
geste de service, parce qu’il est toujours
le Seigneur, élève ses disciples
. Ils ne sont plus serviteurs
. Ils sont amis,
plus que
serviteurs.
Jésus prononce
ces mots un peu plus tard
, mais en lavant les pieds de ses disciples
il instaure bien entre eux et lui, parce qu’il est le
Seigneur, une communion dont la notion sera
plus amplement déployée dans le
discours suivant
: il les invite
à entrer
dans la communion
existant déjà entre le Père
et le Fils. Geste de l’amour extrême
dit l’évangile de Jean, que Pierre ne comprend pas,
et dont les disciples des siècles suivants seront
eux aussi bien embarrassés. Car « faites-vous
de même les uns aux autres »
avait dit
Jésus.
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