Cela
est bon –
dit le Vent.C’est même
très bon – dit le Fils. Mais cet être,
capable d’aimer sans chercher
son intérêt, capable de
s’investir totalement
dans une
obéissance
aveugle à son Créateur,
ne possédera-t-il pas aussi »
le pouvoir de dire non » La capacité
de tourner le dos à la lumière. Ne sera-t-il
pas en mesure de se choisir
lui-même pour maître en
reniant le Dieu qui
l’aime ?
A ce
moment,
l’oeil de Dieu se
brouille, et dans la pupille
tout à l’heure pleine de joie, défilent
de terribles images. Des enfants
coupés en morceaux dans
le ventre de leur
mère,
des
vieillards
sautant sur des
mines, des savants
inventant des engins de
guerre, des jeunes dormant dans
les rues froides de l’hiver, des mères
squelettiques berçant le cadavre
d’un bébé mort de faim.
Oui – dit le Père –
ma créature
me
reniera.
Elle s’éloignera
de moi. Elle dérivera au fil
de sa corruption et de son péché.
Elle fuira pour toujours loin de ma face.
O, qui enverrais-je à
son aide ?
Me
voici, dit le Fils –
pour faire ô Dieu, ta volonté
Comment iras-tu ? – dit l’Esprit. –
Pourras-tu pénétrer dans l’univers
multicolore sans qu’il
éclate ?
Il
faudra
te faire tout petit, mon Fils
Oui, mais quelle forme prendrai-je ?
Une montagne embrasée révélant ta volonté ?
Bien, très bien, mais ce ne sera pas
suffisant, mon Fils ; une
montagne
au cœur
de pierre pourrait elle
émouvoir un être au cœur de chair ?
Me ferai-je animal ?
Ou ange ?
Lorsque
nous poserons
sur cette terre l’homme
que nous aurons créé, nous ornerons
en même temps sa tête de la
couronne royale et nous
mettrons
dans sa main
la clé de la planète.
Si le diadème tombe et
si la clé s’échappe, je ne veux pas
qu’ils restent la possession
d’un animal, d’un ange,
ou d’un démon
qui fait la
bête.
Non, cette
planète a été créée
pour l’homme ; Je veux que
l’homme en soit le Roi.
Mon Fils,
quand tu quitteras
notre palais d’Éternité pour
affronter l’ennemi, tu ne prendras pas
la forme d’un dragon plus puissant
que l’usurpateur, ni celle d’un
ange dont la demeure est
dans le ciel.
Tu te
développeras
dans le ventre d’une femme :
tu naîtras. Toi qui es le Verbe, tu apprendras
le langage, le langage des hommes.
Toi qui es le Tout-Puissant,
tu tendras la joue aux
soufflets ;
Toi
qui es Roi, tu
supporteras qu’on te
traite de bâtard ; Toi qui possèdes
tout, tu n’auras même pas une tanière
pour reposer ta tête ; Toi qui es juste,
tu seras mis au nombre des
malfaiteurs. Tu porteras
ta croix.
Tu te
chargeras de
toute la méchanceté
du monde. Tu deviendras péché.
Tu ne te défendras pas lorsque ma créature
enfoncera des clous dans ta chair.
Tu ne maudiras pas lorsque
la mort rôdera, mais tu
remettras ton âme
entre mes
mains
. Lorsque
tout sera accompli,
lorsque le prix de la rançon
sera payé, je te remettrai, à toi, l’Homme-Dieu,
le couronne et la clé.-Ah mon Père,
comme il me tarde de partir.
Alors le Père
montre du
doigt
le lambeau
d’Éternité qui tournoie
lentement, au rythme du cœur
de l’Histoire. Une vision s’anime. Quelques
personnages en haillons, entourés
de moutons, regardent la nuit
descendre au fil paisible
de la rivière
étoilée.
Soudain,
les eaux noires
et profondes de la voûte
céleste se déchirent et un ange
apparaît, chantant : Aujourd’hui, dans
la ville de David, il vous est né un Sauveur,
qui est le Christ, le Seigneur ».
Et il se joint à l’ange une
multitude de l’armée
céleste, louant Dieu
et disant :
Gloire
à Dieu dans
les lieux très-hauts et Paix
sur la terre parmi les
hommes qu’Il
agrée.
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