Ma
détestation
du monde et les adultes ?
Celui de gens qui s’embrassaient
sans s'aimer et se parlaient sans rien
se dire. Je refusais obstinément de vivre
dans l’antarctique des gens normaux.
J’entrais en rage quand, malgré
tout, il me fallait affronter
une de ces
situations
où
tous
devenaient faux,
même mes parents. Par
représailles, je rapportais aux
uns ce que les autres disaient d'eux
en leur absence, ou bien je me réfugiais
sous la table, ou encore je décidais de me
tuer en avalant ma soupe sans respirer.
Mes colères étaient aussi puissantes
que celles de Dieu. Avec la boule
psychique de mes sept ans
j'aurais pu détruire une
maison, quitte à
périr
dessous.
Je me contentais
le plus souvent, avec la plus
grande violence possible, de claquer
les portes : les murs tremblaient et, chaque
fois, le crucifix accroché au-dessus de la porte
de la cuisine -sur lequel un christ maigre
et crispé comme une allumette brûlée
veillait sur les miracles de la vie
ordinaire- se balançait
quelques secondes
et s'immobilisait
de travers
Mon
père
sans élever
la voix remettait
le crucifix en place,
redonnant sa parfaite
verticalité à celui qui, deux
mille ans après son supplice, venait
de recevoir un nouveau coup qui,
peut-être, le ressuscitait. Personne
n’avait jamais prétendu qu'une
résurrection devait être
suave et paisible.
C Bobin
père
sans élever
la voix remettait
le crucifix en place,
redonnant sa parfaite
verticalité à celui qui, deux
mille ans après son supplice, venait
de recevoir un nouveau coup qui,
peut-être, le ressuscitait. Personne
n’avait jamais prétendu qu'une
résurrection devait être
suave et paisible.
C Bobin
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