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2011-10-03T07:59:00+02:00

besoin ou désir ? (4)

Publié par sulamite -

 

 

 





Pour

tenter d’étreindre

Dieu, nous éprouvons

enfin le besoin d’être enseigné. Plus

ou moins consciemment, nous entrevoyons dans

la théologie dont nous nous gavons la solution à notre

permanente frustration. Combien de fois n’avons

nous pas entendu, à propos de tel ou tel qui

« a des difficultés », que « ce qui lui

manque, c’est d’avoir une

bonne théologie » !

Au lieu

d’accueillir

la Parole et de nous

livrer au mouvement qu’elle

révèle, à l’esprit ou à l’Esprit, nous

pensons l’acquérir comme un objet. Il en

résulte un emprisonnement dans le labyrinthe des

définitions, jusqu’à l’aigreur, l’épuisement

ou la révolte. Quoi qu’il en soit

de la modalité de

notre

recherche,

le sentiment nous

vient, après plusieurs

essais ou plusieurs années,

que l’objet de notre besoin ne se

trouve ni dans le temps, ni dans l’espace,

ni dans le savoir, qu’il est ailleurs que dans « l’ailleurs »

où nous le cherchions. L’ailleurs de l’ailleurs

ramène l’homme à lui-même.

Lorsque nous en

arrivons là,

nos

certitudes

vacillent et le sol nous

manque à son tour. Mis en

marche par une tension incoercible

vers l’objet divin, nos yeux se dessillent

en cours de route et nous nous retrouvons

finalement enfermés en notre besoin. Dieu ne serait rien

d’autre que le besoin que nous en avons

Ainsi, la recherche du vrai

Dieu nous condamne

à l’errance.

D’autant

plus

que des

personnes d’expérience

nous répètent que l’illusion est

fréquente en matière de spiritualité

et qu’il est plus sûr de nous en tenir aux méthodes

transmises par nos pères. Elles visent juste, nous

semble-t-il, et pourtant nous savons

aussi d’expérience

que l’illusion

réside

tout justement

dans ce temps, cet espace,

ce savoir préconisés pour trouver Dieu.

Bien mieux, nous pressentons qu’il nous fallait

en passer par là et que le nécessaire besoin de la prière

est la voie même des illusions dépassées.

Scandalisés ou secrètement libérés,

nous convenons que ceux qui

nous guident ont raison,

mais que nous

n’avons pas

tort.

L’illusion

dans laquelle nous

engagent « moments forts »,

« retraites », lectures et méditations dont

« nous espérions bien » (Lc24,21) qu’ils nous feraient

accéder aux délices de la rencontre avec Dieu,

nous renvoie inéluctablement à nous-mêmes,

dans le temps et l’espace ordinaires.

Nous nous imaginions avoir

besoin de prier pour

vivre et nous

découvrons

que nous

pouvons vivre

sans prier. La crispation

de nos besoins sur l’objet convoité

nous laisse les mains vides. Ce Dieu qu’on ne

peut atteindre, jamais ne nous satisfait, En ayant besoin

d’avoir besoin, nous ne faisions plaisir qu’à nous-mêmes

conformés à cet idéal longtemps prêché où

l’homme, pour vivre, aurait besoin de Dieu.

Or, la non-satisfaction du

besoin disloque la vie :

c’est la mort.

Si Dieu

échappe à notre

besoin, n’est-ce pas que nous

risquons la dislocation et la mort ?

Nous prétendions, en effet, avoir besoin de Dieu,

mais nous ne trouvons dans la prière

qu’une ferveur vide qu’en

une autre

terminologie

on pourrait qualifier

de rêve. Rêver indique une opération

psychique dans laquelle la perception reste

sans objet réel, ce qui autorise le mépris des lois

du temps et de l’espace, la contradiction logique.

Le réel s’y dissout et perd sa consistance.

Halluciné, l’objet imaginaireprend

la place de l’objet réel et

apaise la tension

d’un besoin

sans

objet

C’est

ainsi qu’en

rêve on étanche

sa soif. Le cas échéant,

le manque de l’objet oblige

au renoncement. Le renoncement est

le pivot du mouvement de retour du besoin

sur lui-même. Il signe l’émergence du désir et c’est dans

cette conversion du besoin en désir que se situe,

à nos yeux, la spécificité de l’homme.

Certes, nous ne pouvons

pas vivre sans

satisfaire

nos

besoins,

mais nous ne

saurions vivre en homme

sans ce redoublement du besoin qui

le nie. « L’homme ne vit pas seulement de pain »

Le mouvement de retour ainsi mis en évidence,

cette « rentrée en soi-même » (Lc 15,17)

éclaire d’un nouveau jour

la nécessaire

tentation

de

chercher

Dieu dans l’ailleurs,

comme un objet à consommer.

Saint Luc, dans la parabole de l’enfant

prodigue, donne une illustration vigoureuse

de la frustration du besoin élémentaire de manger

ouvrant sur la possibilité de retrouver le Père

qui n’est justement pas, lui, l’objet

de son besoin. Il n’a besoin

que de manger. Et il ne

peut y renoncer.

Mais,

par contre,

il n’a pas besoin

de son père, c’est pourquoi

il peut renoncer à être fils : « Je ne mérite

plus d’être appelé ton fils. »

Et c’est vrai que,

pour vivre,

il n’a

pas besoin

d’être filspour un père,

d’être un homme pour un autre homme

. Il ne peut que le désirer, ce qui implique l’éventuel

refus paternel de le reconnaître comme son fils

qu’il ne mérite plus d’être. Néanmoins

cette éventualité ne

l’empêchera

pas de

manger et de vivre,

fût-ce comme le « dernier des

serviteurs ». Il croyait être un homme

en signifiant à son père qu’il n’avait pas besoin

de lui et c’est en découvrant qu’il peut se

passer effectivement de son père,

mais non de nourriture, qu’il

retrouve la possibilité

de vivre

en fils.

Au moment

précis où il y renonce.

Le renoncement est la marque

du désir qui ne vise plus à se satisfaire

de l’autre comme d’un objet, mais à le poser dans

l’existence, dans sa différence de sujet inaliénable.

Tout aussibien, c’est parce que le père avait

renoncé à la satisfaction que lui eût

procurée la docilité

filiale, qu’il

peut

accepter

qu’il se perde.

« Mon fils que voilà était mort

et il est revenu à la vie ». Une fois vécue

cette « cabriole » qui a tout à la fois saveur

de vie et de mort, il nous devient impossible de définir

notre vie d’homme par l’existence d’un

Dieu dont nous aurions besoin et

dont l’absence, par

définition,

nous

entraînerait

dans la mort. Dieu n’a

pas besoin des hommes et

nous n’avons pas besoin de Dieu.

Dès lors, pourquoi continuerions-nous

à prier si ce n’est pour prendre une conscience

de plus en plus vivante qu’il nous est possible

de désirer quelqu’un pour lui-même, de

l’aimer, dans l’exacte mesure

où nous n’en avons

pas besoin?

Qu’elle

soit rêve ou

repli sur soi, la prière

définie par le besoin que nous

aurions de Dieu ne rend aucun compte

du sujet humain que nous sommes. Si l’accent

est porté sur l’Objet-Dieu, elle risque d’être

prise pour une adresse illusoire à

quelqu’un dont le royaume

est l’ailleurs,

monde

étranger, voire

monde d’étrangeté

qu’on confond, pour le sauver, avec

le monde surnaturel. Si, au contraire, l’accent

est mis sur le besoin, pure pulsion confinant à l’abstraction,

la prière se réduit à une pure activité fantasmatique.

Dans les deux cas, l’orant n’aimerait

Dieu que parce qu’il en a besoin.

Il reste donc à désirer

la prière du

désir

 

D VASSE

 

 


 

 

 

commentaires

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