L’
exacte
définition du
terme dans le NT
est débattue Toutefois
certaines évidences doivent
être rappelées : Il ne faut pas
confondre son usage dans le NT
avec la fonction officielle
de « diaconesse », qui
n’apparaît dans
l’histoire
de
l’Église
qu’à partir du
3ème et 4ème siècles,
lorsque l’Église est placée
sous domination patriarcale
et crée cette sous-catégorie de
ministère pour les femmes qu’elle
ne veut pas ordonner prêtres.
Dans le NT diakonos n’est
pas défini clairement
et couvre plusieurs
contextes. Dans
la plupart
des
cas, il
se réfère à
un ministre de
la parole. Ainsi Paul
s’applique régulièrement le
terme à lui-même comme apôtre
du véritable Évangile (1 Cor 3,5 ; 2 Cor 3,6 ;
6,4 ; 11,3 ; Eph 3,7 ; Col 1,23.25) et l’utilise pour
ses collaborateurs (Eph 6,21 ; Col 1,7 ; 4,7 ; 1 Thess 3,2 ;
1 Tim 4,6). Le mot désigne aussi un « intermédiaire »,
« agent », « émissaire ». Pour Paul, le diakonos
est quelqu’un qui prêche l’Évangile et par
là-même sert de porte-parole de Dieu.
Ce terme s’applique souvent aux
collaborateurs de Paul, ce qui
pourrait signifier qu’ils
partagent le même
genre
de
responsabilité.
Le rôle d’émissaire
de Phoebé recoupe deux
réalités qui ne sont pas incompatibles :
Elle a certainement joué un rôle significatif
pour l’annonce de l’Évangile dans les villes de la
Corinthie. Le fait qu’elle soit identifiée comme
la diakonos de l’église de Cenchrées
suggère sans doute que son
ministère est lié à cette
dernière.Paul a
dû lui confier
la mission
de
porter
la lettre qu’il
a écrite aux Romains.
Des spécialistes de cette
épître comme J.Dunn ou J.Fitzmyer
sont convaincus qu’elle est porteuse de cette
missive aux chrétiens de Rome. Elle est la
seule personne recommandée pour une
telle mission dans tout le NT. Paul
lui fait suffisamment confiance
sur le plan théologique pour
la recommander à ses
futurs auditeurs afin
qu’elle les
aide
à
en
comprendre
le contenu : nous
sommes en train d’évoquer
quelqu’un qui est recommandé
comme étant capable d’expliquer ce qui
va devenir la fameuse épître aux Romains,
le grandiose exposé théologique qui inspira Luther
dans sa Réforme!Paul recommande d’aider Phoebé
parce qu’elle a été prostatis envers beaucoup
et envers lui-même. Personne d’autre ne
reçoit cette appellation dans le NT.
Ce titre de prostatis implique
du prestige ; c’est la
forme féminine de
prostatēs
un
latinisme
décrivant un
gouverneur, un
bienfaiteur et un patron,
quelqu’un qui prend soin des
intérêts d’autrui, un défenseur, un
gardien.Dans la Septante le mot a le sens
de chef, de dirigeant. Josèphe et Philon
l’emploient avec le sens de dirigeant, de
patron ou même de champion
. Justin Martyr l’utilise pour
décrire une personne
présidant la
communion
Bien
plus,
le verbe
en lien avec ce
mot, proistēmi veut
dire « exercer une position
d’autorité, diriger, gouverner, être à
la tête de ». Il est présent en 1 Thes5,12 où les
auditeurs sont encouragés à respecter leurs responsables,
« ceux qui vous dirigent dans le Seigneur »et en Ro12,8
Paul choisitl a forme participiale pour décrire le don
de « celui qui préside ».En 1 Timothée 5,17 il
évoque les responsables de communautés
chrétiennes. Ce mot, très fortement lié à la
direction, ne saurait en aucun cas être
seulement traduit par « aide ».
Ce terme recouvre encore
un autre sens. La
désignation de
Phoebé par
Paul
comme
prostasis l’honore
comme « patronnesse ».
Il n’est pas possible de détailler
ce qu’est le patronage, la relation
entre le bienfaiteur et celui qui profite de
cette protection. Dans ce type de relation très bien
instituée au 1er siècle de notre ère dans l’Empire romain,
le bienfaiteur accorde une faveur à quelqu’un qui en retour lui
rend les honneurs En présentant Phoebé comme prostatis,
Paul reconnaît que lui-même et de nombreux autres
sont d’une certaine manière « dépendants d’elle
sur le plan social »Par ailleurs, Paul l’appelle
« notre sœur » (adelphē). Cela prouve
que les groupes formés par les
disciples de Jésus,les
premières églises,
forment « des
familles
de substitution ».
Leurs membres doivent
« nourrir des relations empreintes de
l’affection qu’ont des frères et sœurs biologiques »
mais sans la dimension patriarcale.Dieu seul est
le chef de la maison. Voilà pourquoi
Paul expose ainsi sa vision
des relations entre
hommes et
femmes
au
sein
des églises
dans cette déclaration
incroyable (Galates 3,28):
« Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il
n’y a plus ni esclave, ni homme libre ;
il n’y a plus l’homme et la femme ; car
tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ. »
Ce passage décrit une humanité renouvelée
en Christ. C’est un écho direct au récit de la création
où « mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27) : ce sont
exactement les même termes qui sont employés
dans ces deux passages (Septante et
NT). Cette réalité devrait avoir des
conséquences importantes dans
nos relations hommes/
femmes.On conclura
que les titres qui
sont attribués
à Phoebé
sont,
dans l’Antiquité,
en lien avec une autorité
et un honneur : elle est une
dirigeante d’Eglise, un ministre de la
parole, une patronnesse.Au minimum, dit Joan
Campbell, « elle permit à Paul d’établir les relations
sociales dont il avait besoin pour établir la première
église de maison à Cenchrées. En tant que
femme ayant du bien, Phoebé disposait
sans doute d’une large maison,
suffisamment grande pour
accueillir des réunions
et pour offrir à Paul
l’hospitalité
ainsi
qu’à
d’autres
croyants itinérants »
Cependant, la combinaison
de diakonos avec prostatis, le sens
de ces termes en grec, ainsi que le fait
qu’elle est mentionnée en toute première place
dans ce chapitre tendent à prouver qu’elle est
davantage que cela. Elle possède une
position de responsabilité, une
proéminence et de l’autorité
dans sa communauté.
Elle semble être
une dirigeante
influente
exerçant son
ministère dans son
église, en particulier quand
Paul se déplace.Soit elle supervise
l’assemblée en son absence, et le tient
informé des progrès et des difficultés soit elle
voyage au nom de l’église de Cenchrées
pour en défendre les intérêts soit les deux.
Elle joue sans doute un rôle
important qui inclut de l’enseignement
et de la direction dans cette église
locale.Ce sont les choix des
traducteurs qui empêchent
de percevoir toute
l’importance du
ministère de
Phoebé.
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