20
Décembre 2012
— Plus que quelques jours…
c’est ça, docteur ?
— C’est ça !
Quelques
jours pour trouver
un donneur. Ces mots
résonnaient dans ma tête. En
boucle. Quelques jours pour trouver
un donneur. Une espèce de contre-la-montre…
sauf que la montre, là, c’était ma vie.
On avait déjà regardé dans
ma famille proche.
Ma sœur n’était
pas prête
à donner
son
rein. Elle
était porteuse
de la même maladie
que moi, même si elle ne s’était
pas encore déclarée. Elle avait deux enfants
en bas âge… Bref, je la comprenais. Une de mes
cousines, par contre, s’était proposée. Ça fait
bizarre, quand même, de penser qu’une
personne qu’on ne connaît
pas très bien (on se
voit une fois
par année,
à la
rencontre
des cousins,
t’imagines…), est
prête à donner un de ses
organes,à se priver de quelque
chose de quasi vital, pour que je
reste en vie, moi.C’était un sentiment
partagé dans mon cœur, parce
que je savais que j’en
avais besoin.
Je
ne
pouvais
décemment
pas refuser… et en
même temps, ça me gênait
d’être redevable. Ça gêne de recevoir
tant, de la part de quelqu’un qui ne nous doit
rien. Pas si simple d’accepter ; pas
si simple de recevoir, quand
on n’a rien fait pour le
mériter.
C’était
une des premières
fois de ma vie que je me
retrouvais dans une telle situation de
faiblesse ; on ne peut pas dire que j’ai aimé !
Et en même temps, c’était la réalité : j’avais besoin
d’un rein ! Si je n’en trouvais pas, ma femme perdrait
un mari, ma mère un fils, mes enfants un père, et moi
la vie. Du coup, j’avais appelé ma cousine, lui avais dit
combien j’étais gêné, et en même temps reconnaissant.
Tellement reconnaissant ! On a choisi un jour,
on a fait l’opération… Ça semblait aller
comme sur des roulettes Les
médecins m’ont
certainement
bien
expliqué, je
n’ai clairement
rien compris. Il y a des moments
où on n’a pas besoin d’explications. C’est pas
le moment. La science a besoin d’une explication ; le malade,
lui,a besoin d’une présence. Bref, j’arrête de m’apitoyer sur mon
sort, désolé. Ce dont je me souviens, c’est que, pour une raison
x ou y, la greffe n’avait pas pris. Ça, c’était clair. On n’était
pas à 100 % compatibles… Le risque que « ça ne
prenne pas » était minime pourtant, du style
une chance sur dix mille.Pas de bol.
Pour une fois que j’étais
gagnant !Ma
cousine
avait
perdu un rein,
à cause de moi.
Et moi, je n’avais rien gagné
du tout. Ce n’est pas elle qui avait fait faux,
ni moi… c’était juste mon corps à moi qui avait rejeté une
partie de son corps à elle. Depuis cette opération, je n’avais pas
retrouvé de rein, ni de donneur. Raison pour laquelle, ce matin-là,
lors de la visite médicale, j’ai osé le Plus que quelques jours…
c’est ça, docteur ?— C’est ça !En désespoir de cause,
j’ai écrit un mail que j’ai envoyéà tous mes contacts,
publié un selfie sur Facebook : « Trois jours
pour trouver un donneur ». Il a été liké
des milliers de fois, partagé des
centaines de fois. Moi qui ne
suis pas croyant, j’ai prié pour
que ça marche, prié
pour que ça
prenne.
Et
ça a pris… ça a
marché !En quelques jours, on a
trouvé un donneur. Un donneur
100% compatible, un
donneur anonyme.
L’opération
s’est
bien déroulée,
le 15 décembre (joli cadeau
de Noël avec dix jours d’avance !), la greffe
a fonctionné. Je suis vivant, encore aujourd’hui.
Je suis sauvé. Ça n’a pas de prix. Je vais voir mes enfants
grandir. Je vais passer l’année ! Je dois la vie à quelqu’un que je
ne connais pas… c’est un peu étrange, mais c’est comme ça
.Ça donne envie d’être reconnaissant à chaque instant.
Du coup, aujourd’hui, je me suis promis d’inviter ma
cousine, avec sa famille, à tous les Noëls de
ma vie ! J’espère qu’elle pourra
déjà venir cette
année…
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